C’est un joli petit film, pas méchant. Si Lelouch ne s’était déjà emparé du titre mais sans traiter le sujet , il aurait pu s’intituler Hasards et coïncidences. Car il y a du Lelouch des bons jours chez Julio Medem, un même savoir-faire qui fait le malin, un même goût pour les dispositifs narratifs […]
C’est un joli petit film, pas méchant. Si Lelouch ne s’était déjà emparé du titre mais sans traiter le sujet , il aurait pu s’intituler Hasards et coïncidences. Car il y a du Lelouch des bons jours chez Julio Medem, un même savoir-faire qui fait le malin, un même goût pour les dispositifs narratifs (trop) savamment agencés et les ritournelles sentimentales avec toujours un couplet qui s’éternise et le même amour des comédiens aussi. Sorte de Lelouch basque, Medem n’apprécierait peut-être pas la comparaison avec le cinéaste de l’avenue Hoche, amoureux du cinéma trop souvent éconduit. Il aurait tort, ce n’est pas une injure, à peine une comparaison. Il préférerait sûrement qu’on le rapproche d’Hitchcock, son maître revendiqué, voire de Cocteau. Mais ce serait lui faire trop d’honneur, pour finalement mieux l’écraser sous le poids des génies. Il mérite moins et mieux. Perdu de vue depuis L’Ecureuil rouge, déjà pas mal du tout, Medem considère le cinéma comme une somme d’effets qui permet d’affirmer une artificialité bien léchée. Pour suivre les amours compliquées d’Otto et d’Anna, de l’éblouissement sensuel de leur enfance à leurs possibles retrouvailles polaires, Medem utilise toute la gamme du contorsionniste qui cherche à épater : flash-backs qui se répondent et se complètent, division en chapitres, incessants sauts temporels et spatiaux, visions parcellaires d’une origine fantasmatique et fuites en avant maniéristes. Ça pourrait être exaspérant mais c’est charmant, d’un charme désuet. Parce que malgré les apparences, Medem n’est ni moderne ni mode, et s’amuse
de trucs vieux comme le cinéma des années 20, ou neufs comme l’expérimental à la papa. S’il est trop bouclé sur lui-même et finit par manquer d’air, son système gagne en cohérence poétique ce qu’il perd en inventivité formelle. Son film pourrait être érotique, il n’est que sexy, ça repose. Pas très à l’aise avec le pathos direct, Medem se rattrape grâce à son talent de sensualiste, sa façon de capter le vent dans les branches pendant que le garçon découvre enfin le cul de sa bien-aimée, ce genre de petites choses si décisives. A défaut de regarder vraiment un monde qui se réduit à des balises intimes, Medem donne de l’épaisseur à son fétichisme en y revenant toujours, sans jamais se lasser. Les petits cinéastes entêtés font parfois de petits films entêtants.
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