En trois portraits de femmes dans la tourmente de l’histoire et des sentiments, le cinéaste Benoît Jacquot peint avec force la fin de règne de Marie-Antoinette, personnage fantasmatique qui n’en finit pas d’obséder notre siècle.
Virginie Ledoyen, l’aristocrate convoitée
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“Comme moi dans La Fille seule, le personnage de Léa Seydoux dans Les Adieux à la reine n’arrête pas d’ouvrir des portes, en vrai et sur le monde. C’était drôle et émouvant d’être cette fois passeuse et témoin de ça. Les films de Benoît sont toujours des portraits de personnages qui s’affranchissent et basculent et en même temps des documentaires sur les acteurs en train de les interpréter. Ce n’était pas simple de jouer un pur objet de fascination en peu de scènes et surtout en très peu de mots. D’ailleurs, ce serait prétentieux de croire qu’on peut le jouer : il faut juste le laisser filmer, faire confiance au metteur en scène pour le cristalliser. Mon personnage est le produit de son époque : elle a peur de perdre ses privilèges, de perdre ce qu’elle pensait acquis pour toujours. Mais ce qui en fait le produit de son époque lui donne une résonance très contemporaine : dans notre société, tout le monde a un peu peur de ça, je crois.”
Diane Kruger, la reine désespérée
“Je n’avais pas de fascination particulière pour Marie-Antoinette. Après, bien sûr, je me suis documentée. J’ai découvert beaucoup de choses qui me la rendaient proche : son origine germanique, le fait qu’elle soit arrivée en France au même âge que moi. J’ai aujourd’hui l’âge exact qu’elle avait le 14 juillet 1789…
Le personnage est compliqué à attraper parce qu’on ne la voit qu’en vignettes détachées, comme à travers une serrure, une porte entrouverte. Aucune scène où elle apparaît n’est en lien direct avec la précédente et en même temps entre le début et la fin, il faut la montrer totalement transformée. Le plus dur à jouer pour moi, c’est quand elle apparaît, au début, totalement dans sa bulle. Même à 16 ans, je n’avais pas une telle légèreté et j’ai du mal à comprendre qu’on puisse ne pas s’intéresser du tout à ce qui nous entoure. Mais peu à peu, quand elle devient une amoureuse blessée, trahie, je peux m’identifier à elle.
Jouer une femme désespérée, un peu folle, c’est génial pour une actrice et je crois que j’ai aujourd’hui la maturité pour incarner ça. La biographie de Stefan Zweig m’a aidée. Selon Zweig, elle a ressenti la chute du régime avant Louis XVI. C’est à la fin qu’elle devient reine. Après avoir abusé de tous ses privilèges, elle prend ses responsabilités. On se sent très bienvenue en tant que femme dans le cinéma de Benoît Jacquot. Certains cinéastes ont peur de la part hystérique de leurs personnages féminins, n’encouragent pas leurs actrices à creuser dans ce sens. Benoît, lui, m’a poussée à chercher assez loin dans ce sens. Les états d’âme féminins extrêmes, ça ne lui fait pas peur.”
Léa Seydoux, la suivante groupie
“Quand j’ai dit à Benoît que j’aimais beaucoup le scénario du film, il m’a répondu : “Tu veux le faire ? Eh bien tu le fais.” J’adore ça, c’est tout lui. Il est très clair sur son désir. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup de cinéastes. La plupart d’entre eux doutent beaucoup, sont très sinueux. Lui sait très précisément ce qu’il veut et est du coup assez tranquille. J’adorais que mon personnage n’ait qu’une idée en tête, un seul objet, obsessionnel. Son désir est à la fois sexuel et social, ça se confond et en même temps, ça le dépasse. Mais entre moi et la reine, le désir sexuel reste très cristallisé, il ne se passe rien, c’est de l’amour mais pas du sexe. En revanche, dans le prochain film d’Abdellatif Kechiche, je joue une fille homo.”
Propos recueillis par Jean-Marc Lalanne
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