Un chétif employé de bureau, une dame brune et son double, une tribu de femmes faussement sages, et deux frangins en cavale… Voici notre sélection des 12 DVD qu’il ne fallait pas manquer en ce début d’année.
Demain et tous les autres jours de Noémie Lvovsky
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Cinq après Camille Redouble, dans lequel elle fantasmait un voyage dans le temps et retrouvait miraculeusement ses 16 ans, sa bicyclette, son walkman et ses copines de lycée, l’actrice et cinéaste est de retour derrière la caméra. Après avoir fait du retour à l’adolescence une puissante cure de jouvence cathartique, c’est sur les affres de l’enfance que se penche Noémie Lvovsky avec Demain et tous les autres jours. L’histoire est celle de Mathilde, une petite fille de 9 ans à l’existence perturbée par les exubérances – parfois drôles, quand elle déambule telle un fantôme dans les rues, vêtue d’une robe de mariée, parfois graves, lorsqu’on la retrouve au terminus d’un train apeurée comme une enfant égarée – d’une mère irresponsable (Lvovsky donc) à la dépression incurable. Entre moments de joie passés ensemble, crises et école, le quotidien de Mathilde s’articule au compte-gouttes. L’arrivée dans sa vie d’une petite chouette (parlante) offerte par sa mère, permettra à la jeune fille de trouver une échappatoire à ses tracas. Le petit oiseau bavard devient pour l’enfant un semblant de substitut parental : il l’écoute, la conseille et la console. Dans un premier temps, le film peut être vu comme une fable, un conte coloré, une plongée dans l’imaginaire débordant d’une petite fille seule et dégourdie. Mais, passé son allure fantasque et fantastique, le film s’offre comme un aveu déchirant sur l’impossible d’un amour fou entre une mère et une fille.
Demain et tous les autres jours – Gaumont – sortie 31 janvier
Les Proies de Sofia Coppola
En 1971, Don Siegel réalise l’un de ses plus célèbres films, en adaptant le roman éponyme de Thomas Cullinan paru en 1966. The Beguiled est l’histoire d’un éveil, celui du désir débordant de jeunes femmes retranchées dans un pensionnat en pleine guerre de sécession, qui, à l’arrivée d’un soldat nordiste blessé (Clint Eastwood) ne savent plus où donner de la tête (et du corps) pour contenir leur désir ardent pour cet homme meurtri. Malgré la prédominance des personnages féminins, Don Siegel articule son film selon un point de vue purement masculin. En mars 2016, l’annonce d’un remake de The Beguiled par la reine du chic Sofia Coppola, laissait quelque peu pantois. En effet, quelle passerelle peut-il bien y avoir entre le film gorgé d’érotisme et de testostérone de Don Siegel et le cinéma vaporeux, minimaliste et contemplatif de la réalisatrice ? C’est justement en s’attaquant à un univers bien éloigné du sien, que Sofia Coppola prouve tous ses talents de cinéaste et de grande styliste. Plutôt que de procéder à une pâle imitation du film de Don Siegel, la cinéaste accapare quelques fragments de son histoire, en rejette consciemment certains (exit la guerre de Sécession, chose qu’on lui a d’ailleurs reproché), et réalise un film d’une fausse chasteté où l’érotisme est d’autant plus prégnant qu’il est dissimulé – sous les ravissantes voilures d’une grande propriété ou sous les visages poupons de la tribu de femmes qui y vit. En adaptant Les Proies, Coppola transfigure le film de Don Siegel et apporte un point de vue féminin, voir féministe, sur l’arrivée perturbante de cet homme dans le quotidien millimétré de ces femmes. Car leur désir dans Les Proies, ne sera finalement pas ce qui les hisse les unes et les autres, mais une force pour repousser l’envahisseur qui tentait d’y faire régner sa loi.
Les Proies de Sofia Coppola – Universal – 2 janvier
Good Time de Ben et Joshua Safdie
La présence, l’an passé, en sélection officielle du nouveau film des frère Safdie, Good Time, ne pouvait que réjouir. D’abord parce qu’elle offrait enfin la visibilité escomptée au talentueux duo, ensuite, parce qu’avec Good Time les frères new-yorkais réalisaient leur film le plus « solide ». Production plus importante et super star au casting (Robert Pattinson méconnaissable sous ses cheveux peroxydés, son bouc et son look de petite frappe), Good Time réalise l’exploit de réinventer le film de cavale en plein New-York. Car les frangins, plutôt que de capter les images iconiques de la Big Apple, s’intéressent à ses bas-fonds peu reluisants et à ses visages peu visibles. Thriller psychédélique ou film de braquage, Good Time raconte surtout le lien indéfectible entre deux frères. Ben Safdie, l’un des cinéastes, campe le deuxième de cette fratrie compliquée, atteint d’un trouble mental. Son visage épais filmé en gros plan, impassible et pourtant rempli de larmes a peut-être été l’une des plus belles images de cinéma de l’année dernière.
Good Time de Ben et Joshua Safdie – Ad Vitam – 23 janvier
La Garçonnière de Billy Wilder
Un an après son chef-d’œuvre comique, Certains l’aiment chaud, dans lequel il remuait gracieusement les questions du genre et de l’identité sexuelle, Billy Wilder, réalise La Garçonnière. Jack Lemmon, acteur fétiche du cinéaste, campe Calvin Clifford Baxter, un employé de bureau qui n’aspire qu’à une chose : grimper dans la hiérarchie. Wilder filme l’entreprise comme une machine, un grand espace infini et impersonnel où chaque personne n’est qu’un pion englouti dans la masse. S’il a été étiqueté roi de la comédie américaine, le cinéaste a toujours distillé dans ses films un cynisme latent, mais aussi une profonde mélancolie. Cette mélancolie c’est celle du visage de Calvin à l’allure de vieux garçon. Abusé par ses supérieurs qui profitent de son asservissement au travail pour squatter son appartement et en faire leur garçonnière éphémère, l’employé modèle, incapable de repousser les demandes de ses boss, se plie à leurs désirs et se retrouve même à devoir errer dans rue new-yorkaises en attendant la fin des ébats. De son côté Fran Kubelik, salariée de la même société dont Calvin est follement épris, est, elle aussi, et d’une toute autre façon, exploitée par un homme qui se joue d’elle. Par un heureux ou malheureux hasard, elle se retrouve un beau jour dans le lit de Calvin, prête à se donner la mort. Comme souvent chez Wilder, le rire est une façade, un prétexte pour ne pas sombrer. Critique d’une société américaine aussi glacée que les grands bureaux aseptisés d’une puissante entreprise, La Garçonnière est aussi un doux mélo et probablement le film le plus mélancolique de son auteur.
La Garçonnière de Billy Wilder – MGM – 27 février
Barbara de Mathieu Amalric
A l’origine de Barbara, il y a un échec ou un sentiment d’inachevé. Celui du cinéaste Pierre Léon et du scénariste Renaud Legrand qui, après avoir écrit un rôle sur mesure pour Jeanne Balibar, celui de Barbara, abandonnent le script faute de financement. A la demande des deux auteurs, Amalric s’empare du projet et le modifie légèrement. Il ne s’agira pas d’un film « sur » Barbara mais d’un film « avec » elle. Amalric incorpore au script original une dimension spéculaire, celle « du film dans le film ». Une manière de raconter Bardara différemment mais surtout d’éviter l’exercice hagiographie ou le biopic millimétré énumérant chronologiquement les joies et les peines d’une vie passée. Évocation poétique et film de fantôme, Barbara suit Brigitte une comédienne qui doit incarner la longue dame brune pour un film réalisé par un cinéaste (Mathieu Amalric) obsédé tant par l’icône que par son interprète. En entremêlant aux images de son film des images d’archives de la chanteuse, sur scène ou en vadrouille, Almaric réalise un film de miroir où l’image projetée n’est jamais totalement identifiable. Le paradoxe miraculeux de Barbara c’est de cerner tous les contours de l’icône consacrée tout en la laissant nous échapper, comme Brigitte échappe à son cinéaste. Plus qu’une réponse « à qui était-elle ? » Barbara est un magnifique indice.
Barbara de Mathieu Amalric – Gaumont – 31 janvier
Fellini Roma de Federico Fellini
Quand Fellini sort La Dolce Vita, il est encore un cinéaste rattaché à la mouvance néo-réaliste. Avec ce film, le cinéaste italien invente une écriture neuve et singulière. La Dolce Vita deviendra l’un des socles de la modernité cinématographique et la présentation du film au festival de Cannes 1960, projettera son auteur au sommet de la gloire (il remporte la Palme d’Or) et des scandales. Décrié par certains admiré par d’autres, le film suit les errances nocturnes amoureuses, sexuelles, et forcément alcoolisés, dans les rues désertées de Rome, du séduisant Marcello (Mastroianni). Ode à l’oisiveté et à la décadence, La Dolce Vita remue les préceptes d’une société italienne puritaine, partagée entre le mariage, la famille et la religion. Douze ans après ce manifeste, Fellini, consacre à nouveau sa ville d’adoption (il s’y installe à l’âge de 19 ans) avec Fellini Roma. Après avoir reconstitué en studio les rues de Rome dans La Dolce Vita, faute d’autorisation, Fellini peut enfin capter l’effervescence de la ville italienne. Fellini Roma se compose comme une œuvre mosaïque faite de saynètes. Nimbé des souvenirs d’enfance du cinéaste, le film est une histoire de Rome, de ses autoroutes bondées à ses music-halls, de ses bordels à son métro, une restitution de son atmosphère chaude et de ses sonorités vrombissantes.
Fellini Roma de Federico Fellini – Edition Luxe Blu-ray – RIMINI EDITIONS – 23 janvier
Gabriel et la montagne de Fellipe Barbosa
Jeune espoir du cinéma brésilien aux côtés de Kleber Mendonça Filho, Fellipe Barbosa confirmait cette année avec Gabriel et la montagne, les espoirs suscités, en 2015, par son premier long métrage, Casa Grande. Gabriel et la montagne est inspiré de la vie de Gabriel Buchmann, étudiant brésilien en sciences économiques. En 2009, le jeune homme, en voyage au Malawi, est retrouvé mort après qu’il se soit égaré sur les pentes du mont Mulanje. En retraçant les derniers jours de ce voyageur et ami d’enfance, le cinéaste brésilien brosse le portrait enjoué et parfois un peu naïf d’un jeune utopiste aimant la liberté du voyage plus que tout au monde. Il filme aussi l’absurdité, le caractère aléatoire et fatal du destin qui se dessine à travers les derniers gestes de ce personnage que l’on sait déjà parti. En faisant confronter les comédiens professionnels qui incarnent Gabriel et sa petite amie aux véritables personnes rencontrées par le jeune homme disparu, Fellipe Barbosa restitue, l’itinéraire du garçon, comme pour sacraliser ses derniers instants de vie et sublimer son absence.
Gabriel et la montagne de Fellipe Barbosa – CONDOR ENTERTAINMENT – 23 février
Coffret Andrei Zviaguintsev
https://www.youtube.com/watch?v=em7xg53W5cc
Cinéaste de l’hyper-maîtrise, Zviaguintsev s’est fait dernièrement le portraitiste de la Russie contemporaine. Aliénation des déterminismes sociaux, inégalité de classe et humanité cruelle sont autant de thèmes qui gravitent autour de ses films qui sont rassemblés dans un coffret édité chez Pyramide. Une belle occasion pour découvrir la filmographie du cinéaste ainsi que son dernier film récompensé du prix du jury au dernier festival de Cannes. Avec Faute d’Amour, le cinéaste révèle à nouveau les travers d’une société Russe en étrillant cette fois-ci l’ingérence et la négligence d’un couple de jeunes trentenaires au bord de l’implosion. Lui est vendeur, elle travaille dans un salon de beauté, et ils sont à eux deux les symboles d’une société contemporaine ultra connectée et égocentrique. Au centre des disputes, un enfant à la tête d’ange, assiste impassible au petit théâtre violent qui se déroule sous ses yeux. Dans cette morne vie, implantée en périphérie de Moscou dans un HLM impersonnel, le petit garçon aux yeux translucides regarde son quotidien s’effriter. Mais un beau jour l’enfant disparaît et les préoccupations de chacun s’arrêtent. Avec Faute d’amour Zviaguinsev aiguise encore et encore son regard sur une humanité coupable de désamour.
Coffret Andrei Zviaguintsev – Pyramide Vidéo – 23 janvier
Andreï Tarkovski – L’intégrale (version restaurée) en édition limitée
Andreï Tarkovski est de ces cinéastes qui impressionnent, tant l’idée que l’on se fait de ses films intimide. Une œuvre si puissante qu’elle en serait presque trop grande pour soi. C’est peut être justement ces cinéastes-là qui appellent à un plongeon tout entier dans leur filmographie. L’intégrale Tarkovski est en ce sens une belle invitation à pénétrer dans l’œuvre limitée (il a réalisé sept longs métrages) mais foisonnante, de l’un des plus grands inventeurs de forme du XXe siècle. Après une première édition parue en décembre dernier, l’intégrale d’Andreï Tarkovski fait peau neuve avec une édition Blu-Ray et DVD augmentée et en édition limitée.
Andreï Tarkovski – L’intégrale (version restaurée) en édition limitée – Potemkine – 5 décembre
The Deuce – Saison 1
https://www.youtube.com/watch?v=AiTvib8e9Ak
Avec The Deuce, le légendaire créateur de The Wire, David Simon plonge dans le New-York des seventies, à l’aube de l’explosion de l’industrie du X. Dans la bruyante 42ème Rue de Manhattan, prostituées, flics et voyous se côtoient. Avec The Deuce, David Simon ne déroge pas à la règle. Il scrute toujours avec autant de précision les dessous du rêve américain et de ses laissés pour compte. Série chorale à la reconstitution impeccable, The Deuce vaut surtout pour ses personnages et de leurs destins mêlés, celui d’un gérant de bar et mafieux et de sa petite frappe de frère (James Franco x 2), d’un policier sympathique ou encore d’une étudiante. Au milieu de cette masse humaine, un personnage se démarque, celui de Maggie Gyllenhaal, la résistante Candy, travailleuse du sexe vieillissante avec enfant qui voit dans l’émergence du porno l’opportunité d’une autre vie.
The Deuce – – Série TV – Hbo Studios – 14 février
La comtesse de Hong Kong de Charlie Chaplin
Rattrapage express. En octobre dernier est sorti en édition Blu-Ray DVD La comtesse de Hong-Kong, ultime film de Charlie Chaplin, et nous avions oublié d’en parler dans notre précédent article sur les sorties DVD. Il fallait bien évidemment réparer cet impair. Unique film de Charlie Chaplin en couleur, La comtesse de Hong Kong narre la rencontre entre un milliardaire américain (Marlon Brando), de passage à Hong Kong et une intrigante taxi-girl (Sophia Loren). Après son cours séjour, l’homme reprend la mer et trouve dans la cabine de son bateau la belle inconnue. Il tombe instantanément fou d’elle mais sur la terre ferme l’attend celle à qui il a promis sa main. Lors de sa sortie, le film de Chaplin est un échec. Mièvre mélo ou romance désuète selon certains, le film sera par la suite réhabilité. Dix ans après Un roi à New-York (et sept après sa sortie aux Etats-Unis), dans lequel il jouait là son dernier grand rôle, Chaplin réalise enfin son grand film Hollywoodien au casting star. Mais le cinéaste n’a rien perdu de son sens du cadre, de sa verve burlesque et de son goût pour le mélodrame. Et l’invitation des deux icônes que sont Sophia Loren et Marlon Brando dans son cinéma n’est qu’un prétexte pour s’amuser tendrement de leur aura. Les deux comédiens sont soumis à la méthode Chaplin qui les prie, non pas de jouer aux amants fougueux, mais plutôt aux enfants turbulents courant à toute allure et enchaînant les maladresses à bord du bateau.
La comtesse de Hong Kong de Charlie Chaplin – Elysée – 25 octobre 2017
Les Fantômes d’Ismael d’Arnaud Desplechin
https://www.youtube.com/watch?v=Esy1mJa2LC8
Pour vous consoler de l’éviction des Fantômes d’Ismael aux prochains César, vous pouvez aussi vous procurer sa version longue, à paraître le 14 février. En effet, à l’annonce de la sélection du dernier film de Desplechin en hors-compétition du dernier festival de Cannes, ce dernier avait précisé que son film existait dans deux versions. Une courte (1h54) voulue par le distributeur, présentée au festival et dans la majorité des cinémas et une deuxième plus longue (2h15), la sienne. Seule cette version sera donc éditée en DVD. Une manière de désavouer celle calibrée pour le festival mais aussi d’affirmer que Les fantômes d’Ismaël ne peut exister que dans la version imaginée par son auteur.
Les Fantômes d’Ismael d’Arnaud Desplechin – Le Pacte – 14 février
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