Le coup de la version intégrale, récurrent chez Besson, empeste un parfum d’attrape-gogo commercial inclinant à la méfiance. Sauf qu’ici, une explication est avancée par l’auteur lui-même. La version originale de Léon, la pure, pour employer un adjectif qu’il affectionne, comportait des scènes qui ont, paraît-il, horrifié le public des projections-tests organisées en été 94 […]
Le coup de la version intégrale, récurrent chez Besson, empeste un parfum d’attrape-gogo commercial inclinant à la méfiance. Sauf qu’ici, une explication est avancée par l’auteur lui-même. La version originale de Léon, la pure, pour employer un adjectif qu’il affectionne, comportait des scènes qui ont, paraît-il, horrifié le public des projections-tests organisées en été 94 par Columbia, le distributeur américain. Telle quelle, cette première version n’aurait été distribuée que dans 100 salles sur le territoire américain au lieu de 1 000. Besson a donc accepté vingt minutes de coupes. Premier motif d’étonnement : bizarre qu’un auteur (en tout cas revendiqué comme tel) se plie aux desiderata d’un panel représentatif. Mais même si l’on admet que Besson ait été tenté par la gigantesque combinaison de salles américaines, pourquoi a-t-il accepté que sorte aussi en France cette version coupée ? De l’intégrité artistique, on glisse à l’absurde… Bon, et la version d’origine, alors ? Le décor n’a pas changé : Léon est toujours aussi con pardon, benêt , il remplit toujours aussi efficacement ses missions de « nettoyeur » (comprenez dézingueur de dix cibles humaines par plan), Mathilda se réfugie à nouveau chez lui pour qu’il lui apprenne à venger son petit frère. C’est sur leur relation que cette version se penche davantage, sans pour autant l’approfondir. La violence est toujours là, mais équilibrée par plus de tendresse, voire d’ambiguïté. Ainsi Mathilda fait-elle une déclaration d’amour à Léon, avant de lui expliquer qu’elle veut qu’il soit son premier amant : c’est la fameuse scène qui a choqué le public américain, en introduisant un sous-texte lolitesque. Mais soyons clairs : que Mathilda exprime des désirs amoureux voire sexuels n’est pas gênant. A son âge, c’est plutôt normal. Non, ce qui met un peu mal à l’aise, c’est que Besson continue à filmer tout ça avec la même naïveté forcenée. Que Léon soit un grand gosse pur ou Mathilda une fleur poussée sur le bitume, d’accord. Mais que pour le montrer, il affuble le premier d’une plante verte et la seconde d’un fusil à lunettes, c’est un peu court. Cette version intégrale enfonce donc le clou d’un style certes efficace, mais d’une pensée si pauvre qu’elle confond par exemple analphabétisme et pureté. En parant un film déjà simpliste de scènes aussi fleur bleue, Besson prend le risque de flirter non plus avec l’infantilisme mais avec la niaiserie.
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