Le plan final, proprement terrifiant, semblant de regard caméra défait et honteux, ne laisse aucune place au doute : Vincent, c’est nous, ou plutôt vous, deuxième personne du pluriel, telle que systématiquement utilisée au présent de l’indicatif par Michel Butor dans La Modification, Butor dont Cantet emprunte ici ? on ne veut pas croire que […]
Le plan final, proprement terrifiant, semblant de regard caméra défait et honteux, ne laisse aucune place au doute : Vincent, c’est nous, ou plutôt vous, deuxième personne du pluriel, telle que systématiquement utilisée au présent de l’indicatif par Michel Butor dans La Modification, Butor dont Cantet emprunte ici ? on ne veut pas croire que c’est fortuit ? le titre d’un autre de ses romans. Consultant en entreprise licencié, il est désormais « l’homme qui n’est plus là », se dissociant entre la vacance de la semaine, temps mort qu’il occupe en roulant au hasard sur des voies de communication qui ne mènent nulle part ou en avalant dans des restoroutes les madeleines de son passé d’actif, et les week-ends bourgeois en famille, où il faut bien donner le change, entretenir l’illusion, jusqu’à, intenable parade, s’inventer un poste à l’ONU et s’engouffrer dans la spirale du mensonge. S’il serait déplacé de parler de partie faible, tant le film finit par parfaitement se boucler pour projeter sur ses moments en creux une lumière nous enjoignant à les reparcourir et les considérer comme part constitutive de son couronnement, la tentation est grande, lors de la première demi-heure, de convier l’épithète déceptif , néologisme abondamment utilisé au sortir des premières projections d’Eyes wide shut, autre film long en bouche, s’avançant masqué pour mieux délivrer ses fastes. De même, l’interprétation d’Aurélien Recoing tarde à se fixer, laissant place à quelques errements ou imprécisions qu’il serait malvenu de prendre pour argent comptant.
Démission des illusions, mâchoires du salariat, puits de ténèbres, Cantet, avec cette cruauté salvatrice qu’aucun cinéma militant ne parviendra jamais à déployer, nous empoigne et nous projette dans la gueule de notre servitude monnayable. Chienne de vie, mode d’emploi.
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