La rencontre entre Depardieu et le commissaire de Georges Simenon est un clafoutis vieille France aux velléités théoriques lourdingues.
“La rencontre d’un grand acteur et d’un grand rôle”, nous dit la bande-annonce avec des guillemets, comme si un journal était cité, mais sans préciser lequel, donc c’est sûrement le distributeur qui le dit (malin !). Manière d’asséner le seul et unique terrain sur lequel se jouera cette nouvelle adaptation des enquêtes du commissaire Maigret, à savoir l’idée que tout ici est iconique, légendaire, mythique, immortel, et avec une belle promo sur le kilo d’icône légendaire : deux pour le prix d’une.
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Du côté de Maigret, le réalisateur des Bronzés opte pour une approche quasi-Frank Miller, envisageant son film comme une postface ténébreuse aux adaptations emblématiques (les films avec Gabin, la série avec Crémer), et donc un commentaire sombre et grave sur une sorte de Maigret-Batman, attrapant en ombre chinoise sa silhouette engourdie (le feutre, la pipe, le pardessus), regardant “de biais” et avec beaucoup de gravité les emblèmes poussiéreux de sa légende (un élégant présentoir-tourniquet pour les pipes auxquelles, on l’apprend, Maigret a renoncé). Shooting pour statue, vieille pierre, craquelures et fendillements. Zzz
Absence
Du côté de Depardieu, le réalisateur de Ma femme s’appelle reviens n’est pas beaucoup plus finaud, s’engouffrant tête baissée dans une tentative là aussi de commentaire théorique sur le corps finissant de l’acteur et le poids des années, avec une subtile introduction sur une visite médicale (“Avez-vous songé à prendre votre retraite ?”, demande le docteur, ou peut-être est-ce Patrice qui parle, à travers ce mystérieux chausse-trappe qu’on appelle cinéma…), et une sorte de tension permanente quant à ses limites physiques – on se demande constamment si l’acteur va aller au bout du plan sans s’effondrer, et la moindre montée d’escaliers fait l’effet d’une cascade.
Entre ces deux montagnes, aucun film n’a vraiment lieu. Leconte fait ce qu’il peut pour faire passer le total jemenfoutisme de Depardieu (qui est radicalement ailleurs, Dieu sait où, tout du long) pour de la mélancolie, et assure le remplissage en déversant des monceaux de quincaille rétro, poussant ses seconds rôles dans des pitreries vintage argotiques désolantes (“oh bah j’avais grandement faim, c’est rudement bon !”) pour tenter de compenser l’espèce d’épure crépusculaire que sa star lui impose. Le film gesticule pour se faire autour de lui, mais sans lui. Et sans nous.
Maigret de Patrice Leconte, en salle le 23 février
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