En France, elle illumine le cinéma d’auteur. Les blockbusters, elle les tourne plutôt à Hollywood. Rencontre avec une jeune fille qui fait tenir ensemble les deux extremités du cinéma.
Votre grand-père Jérôme Seydoux est coprésident du groupe Pathé. Le cinéma, c’est aussi une affaire de famille ?
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Oui, mais ce n’est pas à ça que je dois mon goût pour le cinéma. C’est plutôt passé par mes parents. Mon père a un métier qui n’a aucun rapport avec le cinéma et pourtant il a une forte sensibilité artistique, il m’a emmenée très tôt au musée… C’est surtout ma mère qui m’a transmis le goût du cinéma, elle a produit quelques films assez underground, sénégalais, suédois, quand j’étais très petite. Et j’ai une soeur qui est écrivaine, une autre qui a été photographe de reportage…J’ai été entourée très tôt par des gens qui avaient la volonté de s’exprimer artistiquement.
Pourquoi avez-vous accepté Mystères de Lisbonne ?
J’avais très envie de rencontre Raúl Ruiz, j’avais adoré le scénario, j’avais envie de tourner en costumes… Les conditions de tournage étaient précaires. Raúl était malade mais tournait pourtant sept jours sur sept. Comme le budget était très juste, le film réutilise sans arrêt les mêmes costumes réarrangés sur différents acteurs, les mêmes décors déguisés pour montrer des lieux différents. Et pourtant le film est somptueux, visuellement sublime.
A l’inverse, quand vous vous retrouvez sur un tournage très luxueux comme Robin des Bois, vous vous sentez comment ?
Plutôt à l’aise. Dans les superproductions américaines, contrairement aux films français, si tu es pris pour un rôle tu dois rester sur le lieu de tournage durant presque toute la durée, même si tu ne tournes pas pendant plusieurs jours. Ils veulent avoir les gens sous la main tout le temps… C’est pas mal, on peut être en observation, on a le temps de lire…
A l’autre bout de la chaîne du cinéma, vous jouez dans le moyen métrage de Louis Garrel…
Louis, j’aime ses goûts. Je l’aime comme acteur et comme réalisateur, et les deux sont très liés chez lui. Dans Petit tailleur, ses amis les plus proches jouent dans le film. J’étais un peu la pièce rapportée, mais c’était plaisant de les observer en bande. C’est aussi un film générationnel, où toute l’équipe a le même âge…
Petit tailleur est certes un film de jeunes, mais aussi un film très rétro, obsédé par les années 1960…
Oui, mais je me reconnais là-dedans. Je suis assez nostalgique. Très jeune, je m’habillais vintage, j’ai un goût pour la mode et le design des années 1950. La modernité peut me faire assez peur.
Internet ? Facebook ?
Non, ce n’est pas trop mon univers. Ça va trop vite, ça communique trop. Je vais parfois sur internet voir des trucs, écouter des chansons… Mais là aussi, j’ai des goûts plutôt rétro. J’aime Stevie Wonder, la Motown, Gainsbourg, Barbara, Charles Trenet… Je ne suis pas quelqu’un de très au fait de ce qui sort, de ce qui se fait… Adolescente, j’avais les goûts des gens de ma génération mais j’avais quand même le sentiment de ne pas être comme eux. J’essayais de leur ressembler.
Pourquoi ?
Je ne sais pas. Je n’avais qu’une envie : ressembler aux autres. Parce que je voulais m’intégrer. Je sentais que je ne collais pas au cadre…
Mais en quoi ?
Par exemple, je n’étais pas très bonne à l’école, je souffrais beaucoup du système scolaire. Ça me rendait malade d’aller à l’école tous les jours, je me sentais jugée, c’était un poids quotidien. Ado, je me demandais vraiment : “Mais pour quoi je suis faite ?” Le déclic a eu lieu quand j’ai rencontré un garçon qui voulait devenir acteur. J’ai eu l’intuition que pour moi ce serait ça. Ce que j’aime dans ce métier, c’est que j’y trouve du réconfort. Aller sur un plateau et vivre avec une équipe, ça me réconforte. Que des gens viennent vers moi pour me proposer d’être dans leur film, ça me réconforte…
Mais ça vous réconforte de quoi ? De quel chagrin ?
Je ne sais pas ce qu’il est ni d’où il vient, mais oui je travaille sûrement pour combler un chagrin. Et aussi parce que sur les tournages, j’ai eu le sentiment peut-être pour la première fois que je servais à quelque chose, que je pouvais tenir une place. Mais je ne veux pas avoir l’air triste non plus. Même si je sais que c’est fragile, en ce moment je suis dans une situation très agréable, je fais des films aux Etats-Unis, je rencontre des gens qui me passionnent. Je peux profiter pleinement de ce que ce cinéma peut avoir d’enfantin, de joyeux et d’amusant quand on arrive à ce qu’on veut, à se sentir libre et qu’on peut naviguer à peu près comme on veut.
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