En France, elle illumine le cinéma d’auteur. Les blockbusters, elle les tourne plutôt à Hollywood. Rencontre avec une jeune fille qui fait tenir ensemble les deux extremités du cinéma.
Dans La Belle Personne, on la découvrait les cheveux noir corbeau, grave et profonde, belle comme Anna Karina dans Vivre sa vie. Avant, les plus attentifs se souviennent de l’avoir vue dans Une vieille maîtresse de Catherine Breillat ou dans De la guerre de Bertrand Bonello. Après, on n’a cessé de la revoir : rendue à sa blondeur naturelle, et étonnamment délurée dans Plein Sud de Sébastien Lifshitz, blottie dans une cuisine tandis que son père converse avec un nazi dans Inglourious Basterds de Tarantino, princesse d’Angoulême comploteuse dans Robin des Bois de Ridley Scott…
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Surgie dans un cinéma d’auteur français jusque-là presque confidentiel, elle a aimanté l’intérêt d’Hollywood. L’an prochain, on la découvrira au côté de Marion Cotillard dans Midnight in Paris de Woody Allen, puis en méchante tueuse opposée à Tom Cruise dans Mission:Impossible 4.
Cet automne, sa présence un peu obtuse, son magnétisme dark ont rayonné successivement dans le chef-d’oeuvre de Raúl Ruiz (Mystères de Lisbonne), le délicat moyen métrage de Louis Garrel (Petit tailleur), en décembre prochain dans le nouveau film d’Amos Gitai (Roses à crédit), et enfin dans un premier film français d’une vraie force où, en adolescente tendue et endeuillée, elle est émouvante comme jamais : Belle épine de Rebecca Zlotowski.
Dans Belle épine, comme avant dans La Belle Personne, votre jeu est très intériorisé, un peu secret.
Je lisais hier un article dans Les Cahiers du cinéma… La critique de Vénus noire... Je vais vous lire ce passage : “Plus un personnage est stimulé comme réservoir à fantasmes, moins son intériorité paraît accessible.” Ça m’a parlé. Dans La Belle Personne de Christophe Honoré, j’avais l’impression d’être filmée comme un fantasme, qu’il fallait donc que je sois impénétrable. Alors que Prudence dans Belle épine n’est pas un personnage à fantasmes. On vit le film à travers elle, ce n’est pas un personnage que l’on regarde, c’est elle le regard. La difficulté était que sa souffrance devait être contenue mais lisible, que l’on ait quand même accès à son chagrin.
Dans la scène finale de Belle épine, je crois que c’est votre mère réelle qui apparaît dans le film…
L’actrice qui devait jouer la mère s’est désistée et Rebecca voulait garder secrète l’identité de celle qui la remplaçait. Elle m’avait seulement dit qu’elle voulait une actrice anglaise. Je m’étais imaginé face à Jane Birkin ou Kristin Scott Thomas…
Quand est venu le moment de faire le plan, j’étais donc derrière la porte et je ne savais pas qui j’allais découvrir. Quand j’ai vu ma mère, je me suis effondrée. La caméra continuait de tourner. Il faut dire que j’ai une histoire particulière avec elle, Rebecca n’a pas eu cette idée pour rien…C’était étrange parce que face à sa mère, on n’est plus une actrice, on est juste face à sa mère. J’étais inquiète pour elle aussi parce que je sais qu’elle est pudique, elle ne se doutait pas que ça me mettrait dans cet état de la découvrir là. Elle est restée très concentrée pendant les prises et à la fin, elle s’est mise aussi à pleurer.
Il y a un parti pris étonnant dans vos choix de carrière : vous tournez dans d’énormes machines américaines mais en France on vous voit dans des films d’auteur. Faire des films commerciaux ici, ça ne s’est pas présenté ?
Si si, j’ai eu des propositions de films très commerciaux mais qui ne m’intéressaient pas. Mon seul critère pour choisir un projet est : vais-je apprendre quelque chose ? Faire un film hollywoodien apprend forcément, ne serait-ce qu’à pratiquer l’anglais. Mais aussi à tourner des scènes d’action comme dans Mission:Impossible 4 pour lequel j’ai suivi des cours de combat, de tir…
Dans les films d’auteur français, on me propose aujourd’hui des rôles importants, avec quelque chose à défendre en tant qu’actrice. Je ne viens pas du théâtre, je dois donc me fabriquer peu à peu, en faisant des films. J’ai besoin de rencontrer des gens qui peuvent m’emmener quelque part.
Quand avez-vous voulu être comédienne ?
Vers la fin de l’adolescence. J’avais envie de jouer, de faire partie d’une équipe, de trouver à la fois une famille et quelque chose qui n’appartienne qu’à moi…
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