Un film d’animation ambitieux revient sur les dernières heures de la Seconde Guerre mondiale au Japon. Aussi éloigné des guimauves récemment distillées par la world company Disney que de l’univers binaire des mangas, Le Tombeau des lucioles d’Isao Takahata est un dessin animé d’un genre tout à fait précieux, qui a l’insigne mérite de fuir […]
Un film d’animation ambitieux revient sur les dernières heures de la Seconde Guerre mondiale au Japon.
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Aussi éloigné des guimauves récemment distillées par la world company Disney que de l’univers binaire des mangas, Le Tombeau des lucioles d’Isao Takahata est un dessin animé d’un genre tout à fait précieux, qui a l’insigne mérite de fuir tout autant l’esbroufe technique des petits génies autoproclamés que l’artisanat geignard interdit aux plus de 3 ans.
L’artisanat, Takahata en a connu toutes les étapes, ce qui explique une maîtrise technique impeccable dont il a l’intelligence de ne jamais se satisfaire. D’abord travailleur inlassable au sein des célèbres studios d’animation Tobei, il collabore à l’écriture de plusieurs séries télé, s’initie à la production et réalise en 1968 son premier opus pour la télé nippone. Au générique de ce premier essai, on retrouvait Hayao Miyazaki, que l’on connaît mieux en France depuis l’an passé et la sortie de son brillantissime Porco rosso. En 1984, les deux compères, habitués à collaborer depuis des lustres, décident de fonder leur propre compagnie, ce qui leur permettra de s’affranchir des schémas imposés par les majors. Ce sont ces films-là que l’on découvre peu à peu en France. Takahata réalise depuis cette date une œuvre intransigeante, tout entière concentrée sur la réalité et l’histoire de son pays. Dans Le Tombeau des lucioles (réalisé en 1988), il s’inspire de la nouvelle éponyme d’Akiyuki Nosaka qui raconte, façon autobiographie, l’histoire de deux gosses livrés à eux-mêmes suite aux bombardements de l’été 1945 sur Kobé. Le film épouse la sinistre existence des deux orphelins en sursis, confrontés à l’indifférence généralisée, à la cruauté d’une humanité luttant pour la survie, au destin mortifère.
L’art d’Isao Takahata, spécifiquement cinématographique, réside essentiellement dans une pratique consommée du montage et de la correspondance poétique, qui donnent au film une charpente dramatique à la fois subtilement émotive et redoutablement efficace. On pressent une profonde nécessité à l’origine du Tombeau des lucioles : l’animation ne sert pas ici à enjoliver l’histoire nationale japonaise, mais au contraire à mettre en lumière certains épisodes qui continuent d’agiter la conscience locale, le « genre animé » permettant au cinéaste de toucher un plus large public sans renoncer à ses exigences.
Ce qui gêne dans le film tient à l’insistance mélodramatique dont fait preuve le cinéaste. Plus d’une fois, là où la suggestion se serait imposée, Takahata en rajoute trois couches dans le registre de l’atroce destin de l’orphelin martyr. D’autant plus dommage que l’impeccable sobriété de nombreuses scènes fait du Tombeau des lucioles un film souvent impressionnant. Malgré ces très sérieuses réserves, ce film qui rappelle certains Ozu d’avant-guerre ou les mélos sociaux de De Sica mérite d’être découvert.
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