C’est dans l’installation “la plus modeste” (dixit son auteur) de L’Ile et Elle – la belle exposition autour de l’île de Noirmoutier, “entre mélancolie et bonne humeur”, qu’Agnès Varda présente à la Fondation Cartier – qu’on trouvera une des clefs de l’ensemble. Cette installation, l’une de la dizaine que compte l’expo, s’intitule Le Tombeau de […]
C’est dans l’installation “la plus modeste” (dixit son auteur) de L’Ile et Elle – la belle exposition autour de l’île de Noirmoutier, “entre mélancolie et bonne humeur”, qu’Agnès Varda présente à la Fondation Cartier – qu’on trouvera une des clefs de l’ensemble. Cette installation, l’une de la dizaine que compte l’expo, s’intitule Le Tombeau de Zgougou. Un court film est projeté au-dessus du sable. On assiste ainsi à l’édification, image par image, et à l’aide de coquillages de couleurs, de la sépulture de la chatte de la famille Demy-Varda, l’européenne tigrée Zgougou (“pignon de pin” en tunisien), morte et enterrée l’an dernier à Noirmoutier. Zgougou avait été offerte à Jacques Demy par Sabine Mamou, sa monteuse. Demy est mort en 1990, Mamou en 2003. On peut facilement se moquer des rapports qu’entretiennent les gens avec leurs animaux, mais on peut aussi observer que la disparition d’un animal qui a connu un être proche plonge souvent les survivants dans un chagrin décuplé. Peut-être parce qu’ils savent que les animaux assistent souvent à des scènes intimes dont sont exclus jusqu’aux gens les plus proches. Les chats n’ont pas de mémoire, mais leurs yeux possèdent cet aspect chimique de la plaque argentique. La pellicule non plus ne sait rien, mais elle rend l’image de ce qui l’a impressionnée. Dans son expo, Varda rend, donne avec modestie les images qui l’ont impressionnée. Elle a vu les couleurs des jouets et des costumes de bain de l’été, et leur mélancolie, et elle nous les renvoie dans l’installation Ping-Pong, Tong et Camping. Les Créatures (1966), l’un de ses films, avait fait un bide. Alors elle monte sa cabane “de l’échec” avec la pellicule du film. On verra aussi le passage du Gois, autrefois le seul moyen pour accéder à l’île, que l’océan volontiers meurtrier recouvre à marée haute. On verra une photo sublime d’une plage, avec le sable, les bouchots, la mer, sombre comme le deuil, noire comme Moutier (Varda pense aussi parfois aux noyés)… On reverra aussi les déchirantes Veuves de Noirmoutier, où quatorze Noirmoutrines de tous âges viennent dire cette place désormais vide dans le lit, à côté de soi, où l’on n’ose se glisser. On verra la main de Demy apparaître dans une fausse carte postale géante qui se voudrait joyeuse. Et dans le catalogue, sur une carte de l’île, cette légende : un “cercle rose indique l’endroit du repos éternel de Zgougou. Repos et décomposition.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}