Le monument de Proust vu par Ruiz : audacieux, et fidèle dans l’esprit et dans la forme.
Impossible n’est pas ruizien. Après les projets avortés de Visconti puis de Losey, après le best-of risible d’Un amour de Swann par Volker Schlöndorff, la tentative de Raoul Ruiz de s’attaquer à Marcel Proust était attendue avec circonspection. C’était oublier que Ruiz n’a pas attendu Le temps retrouvé pour être un cinéaste authentiquement proustien. Entre son goût affirmé pour les « histoires immortelles » et les éternels retours, son travail sur les arcanes de la mémoire et sa science d’illusionniste qui n’aime rien tant que les dispositifs à la fois répétitifs et lacunaires, tout le prédisposait à proposer sa vision de La recherche du temps perdu. Car Ruiz s’est bien gardé d’illustrer Proust, il l’a lu, avec un mélange de respect et de gourmandise. En s’appuyant sur le scénario rigoureux et inventif de Gilles Taurand, Ruiz a opté pour un traitement polyphonique qui respecte l’aspect mouvant et inépuisable de l’œuvre originale. Selon la phrase fameuse qui dit que l’on peut relire Proust à l’infini puisqu’on ne saute jamais les mêmes passages, Ruiz a conçu son film comme un riche feuilleté d’images et de personnages, d’objets et de sons, qui disparaissent pour mieux revenir sous des formes nouvelles mais finalement reconnaissables. Chaque plan recèle une multitude de signes et de signaux, du premier à l’arrière-plan, qui permettent de raccorder entre eux des personnages, des temporalités et des lieux différents.
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