Une histoire d’amour atypique à l’épreuve du regard d’un enfant… et de celui, d’une grande douceur, de son autrice.
Daniel, c’est le prénom du fils de Madeleine (Anaïs Demoustier), femme tondue pour avoir aimé un Allemand pendant la guerre, désormais serveuse dans un hôtel-restaurant normand. Daniel, c’est aussi le petit garçon malvoyant d’Anatomie d’une chute de Justine Triet, qui ne voit pas mais sent tout. Dans Le Temps d’aimer, Daniel est relégué au second plan, nous ne le voyons que très peu, mais lui voit tout : la rencontre entre sa mère et François (Vincent Lacoste), leur départ pour Châteauroux, la gérance du bar-cabaret de la ville, les marins et les soldats américains titubant dans la nuit… C’est un témoin presque muet et pourtant omniprésent qui attend son heure, son temps de fiction. Katell Quillévéré le lui offre dans la dernière partie d’un film inégal, mais bouleversant.
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Réparer les vivants
Son moment à lui, c’est celui où, plus grand, Daniel finit par demander des comptes (l’identité de son père) à une mère qui n’aura jamais su l’aimer et n’aura vu en lui rien d’autre que sa propre culpabilité. Moment accidenté, greffé à l’ensemble d’un film rivé à la rencontre de ces deux pôles opposés que sont Madeleine et François, elle prolo, lui intellectuel bourgeois, et à l’évidente alchimie de cette asynchronisme (autre belle idée d’un film d’époque qui plaide pour un amour moderne, une réinvention de ce qui fait couple) – c’est avec ce dernier tiers de film que Katell Quillévéré parvient à sauver Daniel et Madeleine. Réparer les vivants (2016) était le titre de l’avant-dernier long métrage de la cinéaste.
C’est ici le même dessein qui se profile pour ces grand·es blessé·es, ces éclopé·es aux cœurs amochés, marqué·es par des stigmates (le crâne rasé de Madeleine, la jambe malade de François, la couleur de peau de Jimmy, le déficit d’amour de Daniel…) et regardé·es comme d’émouvantes raretés. Des marginaux et marginales qui, le temps d’un film, auront un peu guéri.
Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré, avec Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Paul Beaurepaire, Morgan Bailey (Fr., Bel., 2023, 2 h 05). En salle le 29 novembre.
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