Entre réalisme clinique et fantastique ouaté, Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic poursuivent leur écriture d’un cinéma singulier et libre.
Un jour, il n’y aura plus lieu de l’écrire, mais cela est encore suffisamment rare pour qu’il nous paraisse important de le préciser ici : Dominick, le personnage principal de L’Angle mort, est noir, et sa couleur de peau n’a pas une fonction scénaristique. Le film déjouera d’ailleurs la formulation d’une fable métaphorique sur « la France invisible » qu’il aurait pu si facilement amorcer. Dominick est noir, mais il aurait pu être blanc, et c’est ça la seule et grande idée politique de L’Angle mort.
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Du reste, ce qui anime le film est issu d’un terrain plus ambigu et indéchiffrable, un entre-monde à la croisée de deux continents d’habitude irréconciliables (le réalisme social et le fantastique), et en même temps si familiers quand on connaît l’œuvre de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic (Dancing et L’Autre).
Ce territoire, c’est d’abord celui d’un examen clinique – disons grossièrement houellebecquien – qui vient dessiner par petites touches le quotidien de son héros et répondre à cette question faussement simple : de qui et de quoi est faite une existence ?
Un mystérieux pouvoir d’invisibilité
Pour Dominick, c’est un travail d’emballeur de guitares dans un magasin spécialisé, un appartement loué dans une tour de béton, une petite amie très amoureuse, une voisine non voyante qu’il épie parfois depuis sa fenêtre, un épicier chinois en bas de la rue…
La vie de Dominick, c’est cet ensemble de petites et de grandes choses face auquel une partie de lui a du mal à se positionner : un mystérieux pouvoir d’invisibilité qu’il possède depuis sa naissance.
Davantage traité comme une malédiction que comme un héritage de super-héros, ce pouvoir permettra pourtant à son protagoniste de comprendre ses nombreuses failles et de les corriger, quitte à récrire au passage la vieille maxime de l’oncle Ben dans Spider-Man : ce sont les petits gestes du quotidien qui nous font prendre de grandes responsabilités.
L’Angle mort de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic, avec Jean-Christophe Folly, Isabelle Carré, Golshifteh Farahani (Fr., 2019, 1 h 44)
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