En 1759, sur les plaines d’Abraham à Québec, s’est jouée la plus piètre des batailles militaires de la guerre que se livraient la France et l’Angleterre dans leurs colonies. A rayer des manuels stratégiques. Mésestimé à l’époque, l’enjeu en était pourtant primordial. Ignoré en France, ce triste épisode signe en effet la naissance du Canada, […]
En 1759, sur les plaines d’Abraham à Québec, s’est jouée la plus piètre des batailles militaires de la guerre que se livraient la France et l’Angleterre dans leurs colonies. A rayer des manuels stratégiques. Mésestimé à l’époque, l’enjeu en était pourtant primordial. Ignoré en France, ce triste épisode signe en effet la naissance du Canada, qui cherche encore à comprendre aujourd’hui s’il a été vaincu, conquis ou abandonné, ce 13 septembre 1759.
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A la recherche de la Vérité historique, le cinéaste québécois Jacques Godbout rencontre en Angleterre l’inénarrable René-Daniel Dubois, dramaturge allumé tout aussi québécois, chargé de pondre un scénario pour Hollywood sur le sujet. Et voilà nos Laurel et Hardy du documentaire embarqués bras dessus, bras dessous dans une (en)quête des origines irrespectueuse et hilarante. Construit comme au fil d’une conversation animée, le film, libre et provocant, dynamite les règles du genre, montrant tout recherches infructueuses habituellement épargnées au spectateur, moment de découragement en décapotable en plein midi sur le parking d’un cinéma drive-in désaffecté, rapt organisé de pièces à conviction… et dialogue métaphysique alcoolisé avec le crâne dérobé du valeureux général James Wolfe, chef des troupes anglaises, mort victorieux de la bataille. Interrogeant toutes les mémoires (familiale, officielle, militaire, polémique, blessée…), Godbout fouille, malaxe, retourne sa matière historique, jusqu’à lui faire cracher son sens : « L’Histoire, dit-il, c’est la dimension imaginaire d’un peuple. (…) Ce n’est pas une science exacte, c’est un récit nécessaire pour donner du sens à ce qui arrive à une société. » S’affirme alors la subjectivité de la question, et du film, goguenard, naviguant à la frontière du réel et de la fiction, un métadocumentaire, film du film en train de se faire, d’une vérité en processus de révélation, doublée d’une réflexion sur elle-même. « La vérité, c’est en fait le sens qu’on donne aux choses. (…) Il faut mentir pour dire la vérité des choses », s’amuse Godbout. Ainsi distille-t-il le doute, d’images indiscutables en commentaires suspicieux, dans une démonstration brillantissime d’humour et d’intelligence, sur un sujet qui hante toujours « l’esprit des Canadiens, nourrit les discours patriotiques et réveille la nuit les politiciens endormis ». Une caméra chercheuse, braquée sur 1759, la date la plus importante de l’histoire du Canada. A moins qu’il ne s’agisse de l’histoire de l’Angleterre. Ou de l’histoire de France.
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