Mohsen Makhmalbaf est un cinéaste irrégulier dont les films vus en France ces dernières années s’inscrivent dans deux veines distinctes. D’un côté, la tendance très iranienne qui consiste à confronter le documentaire et la fiction par de savantes mises en abyme (Salaam cinéma) ; de l’autre, un cinéma plus sensoriel et poétique, quasi caucasien (cette […]
Mohsen Makhmalbaf est un cinéaste irrégulier dont les films vus en France ces dernières années s’inscrivent dans deux veines distinctes. D’un côté, la tendance très iranienne qui consiste à confronter le documentaire et la fiction par de savantes mises en abyme (Salaam cinéma) ; de l’autre, un cinéma plus sensoriel et poétique, quasi caucasien (cette veine rappelant parfois Paradjanov), qui tente d’envoûter le spectateur par de riches harmoniques entre les couleurs, les textures et les sons (Gabbeh). Le Silence appartient à cette seconde catégorie.
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Le protagoniste principal en est Khorshid, jeune garçon aveugle qui vit seul avec sa mère dans un taudis à la lisière de la ville. Khorshid est à l’affût du moindre son, particulièrement la musique à laquelle il lui est parfois difficile de résister. Un jour, se rendant à son travail, il se perd dans un souk pour avoir obéi à l’appel d’une belle mélopée s’échappant du ghetto-blaster d’un piéton ; du coup, il arrive en retard chez le luthier et perd son petit emploi d’aide-artisan. Comme si ça ne suffisait pas, sa pauvre mère est menacée d’expulsion imminente. Malgré ce contexte misérabiliste, Le Silence n’est pas du tout le mélodrame social que l’on pourrait craindre. D’abord, ce film est totalement exempt de pathos éploré comme de rage vengeresse, les personnages semblant subir leur triste sort avec une certaine dose de fatalisme. Ensuite, loin d’un naturalisme au ras des pâquerettes, Le Silence prend la tangente sensorielle et s’engouffre dans une série de lignes de fuite poétiques. Le spectateur se retrouve bientôt dans le cerveau de Khorshid, lévitant sur un tapis de musiques et de sons divers. Ceci est un film fait pour planer plutôt que pour penser. Comme il existe des comédies musicales, celui-là serait un drame musical un mélodrame, donc, au sens premier du terme.
Cela dit, la lévitation a parfois ses limites et il arrive que le tapis volant retombe à terre ou que certains passagers en chutent. Le Silence est beau, mais un peu monotone et lassant à la longue. Par ailleurs, il arrive aussi que l’esthétisme bigarré de Makhmalbaf vire à la joliesse mièvre, que sa poésie frise le cliché exotique ou le chromo de carte postale par exemple, ce cheval galopant sur l’eau au ralenti, ces gros plans insistants sur une miche de pain ou sur un instrument de musique. Dommage car pour le reste, on salue l’effort du cinéaste pour amener le spectateur vers une expérience physique, vers l’abstraction d’un art musical.
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