Dans un village où tous les hommes ont été raflés, des femmes voudraient se partager un maréchal-ferrant de passage. Un beau premier film.
On est en 1852, au début du règne de Napoléon III, en pleine épuration des Républicains. Dans un village isolé, on rafle les hommes. C’est dur pour les femmes qui perdent un mari, un fils, un frère, un père, mais aussi pour les jeunes filles de 18 ans, en pleine montée hormonale doublée pour certaines d’envie de maternité. Violette et ses copines décident de se partager sexuellement le premier homme qui viendrait à passer dans leur coin. Ce dernier arrive. Violette est la première. Mais le programme prévu subit une modification : les deux tombent amoureux.
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Dit comme ça, Le Semeur pourrait passer pour un film érotique soft. Il l’est un peu, mais il est beaucoup plus que ça. C’est d’abord un petit traité sur la féminité, observant les variations du rapport au désir, aux hommes, à la conjugalité et à la maternité selon les générations et les personnalités.
C’est aussi un film féministe en ce qu’il montre des femmes prenant en charge l’écosystème d’un village, résistant à leur manière au nouvel ordre politique, tandis que la génération des jeunes adultes décide elle-même de sa destinée amoureuse, sexuelle et maternelle, sans demander l’avis des hommes. Le Semeur est raccord avec le féminisme actuel même s’il n’a rien de militant et montre que la liberté des femmes n’est pas synonyme de haine du masculin : hommes et femmes peuvent recomposer des alliances face à un enjeu politique (ici, la résistance au bonapartisme).
Tout cela est important, mais l’essentiel ici, c’est la finesse d’écriture et le talent ferme de Marine Francen, pour le moins éclaboussants pour ce premier film. Chaque personnage est traité avec attention et complexité, aucun n’est réduit à un typage, chacun a une véritable existence à l’écran, servi par des comédiennes et un comédien remarquables. Il faut dire qu’ils sont placés dans l’écrin d’une photo sobrement splendide. On est parfois à deux doigts du picturalisme, mais la frugalité du budget et l’œil de Francen permettent d’éviter ce piège (dans lequel est tombée Sofia Coppola) et gardent ces images vibrantes, toujours raccordées à ce que vivent les personnages et à leur paysage intérieur.
Le Semeur est un film en costumes qui ne souffre jamais de la pesanteur amidonnée du genre, un film d’époque qui parle de notre temps, un premier film d’une singularité fière et têtue par rapport à ce que l’on attend généralement de cette catégorie.
Le Semeur de Marine Francen (Fr., 2017, 1 h 40)
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