La dernière fois que l’on a parlé de John Sayles dans ces pages, c’était pour dire beaucoup de bien de son meilleur film à ce jour, Lone star. On sera moins enthousiastes aujourd’hui. D’abord, parce que Le Secret de Roan Inish est ouvertement un film pour enfants, et que notre enfance est finie depuis longtemps. […]
La dernière fois que l’on a parlé de John Sayles dans ces pages, c’était pour dire beaucoup de bien de son meilleur film à ce jour, Lone star. On sera moins enthousiastes aujourd’hui. D’abord, parce que Le Secret de Roan Inish est ouvertement un film pour enfants, et que notre enfance est finie depuis longtemps. Surtout, Sayles a pris beaucoup de risques en adaptant un conte irlandais aussi piégé. La petite Fiona est élevée par ses grands-parents dans une triste ville de la côte irlandaise. Elle se persuade que son petit frère Jaimie dont le berceau fut autrefois emporté par la mer a été enlevé par les Selkies, ces créatures mi-animales mi-humaines qui empruntent la peau des phoques pour faire de la mer leur domaine. Jaimie vit-il désormais sur l’île mystérieuse de Roan Inish ? On ne se passionne jamais pour les aventures de cette gamine curieuse, croisement improbable de Fifi brindacier et de Heidi à la mer. Le ton mièvre et bon enfant qu’adopte résolument Sayles se révèle vite gavant. Tout comme les scies irlandaises folkloriques qui pourrissent la bande-son jusqu’au vrillage de nerfs définitif. La mise en scène est un comble de mollesse : ainsi, l’attaque des mouettes en caméra subjective pourrait faire se retourner sir Alfred dans sa tombe. L’esthétique académique feu de bois/filet de pêche oscille entre une pub realistic pour les sardines bretonnes et un clip de Dan Arbraz. Au moins n’y aura-t-il pas de confusion : les bancs de phoques hurlant « Honk ! Honk ! » n’ont pas été filmés sur une plage de Sitgès, mais bien au nord-ouest de l’Irlande. Les acteurs surjouent des sentiments pas très nuancés (joie/tristesse/joie). Et le temps passe, alors que le grand-père enfile les récits de légende comme d’autres les perles. Autant la réflexion sur la frontière et la mémoire était passionnante dans Lone star, autant ici le fumet du retour à la terre coupe vite l’appétit. Reste quelques belles scènes, en particulier celle où la mère quitte son enveloppe de Selkie, et un « Tout est bien qui finit bien » qui devrait effectivement ravir les plus petits. La déception ne nous fera pas jeter pour autant John Sayles aux orties, et puisqu’il change de registre à chaque fois, on peut même espérer qu’il laisse tomber les contes, les légendes, les phoques et les petites filles.
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