Adaptation clinquante et factice du best-seller de Jean-Dominique Bauby.
Déjà trois films pour l’artiste Julian Schnabel et une obsession tenace : qu’est-ce que l’art ? Qu’est-ce qu’un artiste ? Après le portrait d’un peintre mort trop tôt (Basquiat, 1996), puis le biopic d’un écrivain homo malmené dans son pays (Avant la nuit, autour de la figure de Reynaldo Arenas), Schnabel déplace légèrement son chevalet et change l’angle. En adaptant le best-seller de Jean-Dominique Bauby, il choisit une figure beaucoup plus modeste de créateur que ses deux précédents modèles, pour se concentrer davantage sur le processus de création. Bauby, ancien rédacteur en chef de Elle, cloué par un accident cérébral, pas spécialement travaillé par une quelconque vocation artistique, va tout à coup pousser les limites de son corps foudroyé, parce que quelque chose de plus fort que lui le traverse : la nécessité absolue de prendre la parole, de témoigner de la singularité d’une expérience, bref cet ineffable de la création, qui doit ici pour faire son chemin déplacer des montagnes. Il y a quelque chose d’un peu terrible à voir Schnabel tirer aussi bas son chapeau devant l’intrépidité, le courage et la force intérieure de ses personnages d’artiste, et le voir lui à ce point démuni dans sa pratique de cinéaste. A partir de la métaphore de Bauby, définissant son esprit comme un papillon dans un corps immobilisé aussi lourd qu’un scaphandre, Schnabel décline une figure de mise en scène. La première demi-heure est en caméra subjective, vissée sur le regard statique du personnage, puis lorsqu’il accède à la création littéraire, que le papillon en lui se libère du scaphandre, la caméra se défait de son point de vue unique pour se déployer dans l’espace. L’idée est à la fois gadget et littérale. Elle évoque quelques vieux trucs lelouchiens pseudo-expérimentaux. Elle participe aussi d’une esthétique et d’une sensibilité fondamentalement publicitaires où le moindre plan sur la mer, la nature, une décapotable qui roule en campagne, ressemble à un spot pour une assurance-vie. Schnabel semble en permanence “vendre” son personnage, son courage présent, mais aussi son bonheur enfui (ses plans grotesques où il tape un five à Lenny Kravitz sur un shooting, comme symbole de la réussite). Avec sa construction en saynètes alertes montées allegretto, Le Scaphandre et le Papillon se pique d’éviter les grandes orgues du dolorisme et du pathos. Mais il leur substitue une imagerie poétique béate et un enthousiasme factice tout aussi édifiants.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}