Tandis que sort en salles le « Berlin » de Lou Reed, exploration de la belle entente du cinéma et du rock quand il se donne en concert, des Stones à Franz Ferdinand, via Talking Heads ou David Bowie.
D’emblée, on se refuse ici à définir ce qu’est un film rock’n’roll. Phantom of the Paradise, This is Spinal Tap, 24 Hour Party People, tous rock’n’roll. Les fricotages entre cinéma et rock sont légion et divers depuis la naissance de ce dernier, si bien qu’on ne retiendra qu’une figure, celle du groupe, de l’artiste (réel, pas imaginaire) capturés live sur pellicule – et non pas intégrés dans une fiction dans le style Elvis dans les films d’Elvis (un genre en soi).
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Avant les concerts filmés en intégralité, le cinéma saupoudre certains longs métrages de rock’n’roll dans un but un peu opportuniste : vivifier le film et capter l’air du temps. De mémoire, tout commence avec La Blonde et Moi (1956) de Frank Tashlin, comédie avec la pulmonaire Jayne Mansfield et Tom Ewell (qui compose le même personnage de mâle dépassé que dans Sept Ans de Réflexion). On y voit un défilé de stars de l’époque : dans leur propre rôle, Little Richard, Fats Domino ou Gene Vincent s’y fendent de leur petit tour de chant. L’énergie rock sied ici au caractère cartoonesque du film, où Mansfield fait fondre littéralement un bloc de glace. Dix ans plus tard, Antonioni capte le zeitgeist sixties dans Blow Up (1966), aidé par les apparitions des Yardbirds, Jeff Beck et Jimmy Page. Antonioni avait même envisagé un cameo encore plus avant-gardiste, celui du Velvet Underground. Idée finalement rejetée lorsqu’il fallut non seulement faire venir Lou Reed et consorts, mais aussi tout l’entourage de la Factory. Capter l’air du temps se heurtait à la logistique.
Ailleurs, lorsque David Bowie apparaît lors d’un concert de la tournée Heroes dans Christiane F. de Uli Edel (1981), on est dans le vieux fantasme de la musique qui semble parler au personnage. Dead Disco décoché par Metric dès le début du Clean d’Assayas est un micro-manifeste sur l’impasse rock (« everything’s been done »). Dans 9 songs, on ignore toujours pourquoi Michael Winterbottom a intercalé entre ses scènes de sexe des bouts de concerts de Franz Ferdinand ou BRMC, filmés sous le manteau. Dans tous ces exemples, les cinéastes veulent leur petit électrochoc.
A l’inverse, la captation d’un concert peut devenir un enjeu réel de cinéma. Qu’est-ce qui distingue ainsi Stop Making Sense (Jonathan Demme, 1984) de n’importe quel concert live en DVD ? Des idées, une cinégénie (35 mm, scénographie) faisant qu’avec à peine une lampe et un costume trop grand, les Talking Heads sont beaucoup plus impressionnants que tout le barnum de U2 et des Rolling Stones. Ces derniers, capturés en plein boulot live (Gimme Shelter des frères Mayles) ou studio (One + One de Godard), deviennent au cinéma les symptômes du désarroi d’une époque. Soucieux de contrôle, ils resteront à l’écart du cinéma jusqu’au prochain Shine a Light de Martin Scorsese, capture bling-bling et sans conséquences d’un de leur concert, peuplé de VIP. Scorsese, qu’on avait connu plus inspiré vingt ans plus tôt avec The Last Waltz, où il filmait les adieux de The Band, serti d’un défilé de vedettes comme Dylan, Neil Young ou Joni Mitchell. Adieux crépusculaires, et aux seventies. Voilà l’enjeu : jusqu’où un artiste, un groupe peut se prêter à la mise en scène, à être mis en scène.
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