Au-delà de l’ode un peu trop poétique sur le passage des saisons, un film attendrissant sur une histoire d’amour qui ne se dit jamais, et le portrait réaliste de la transformation de la Chine actuelle.
En Chine, aujourd’hui, dans une région rurale pauvre. Deux familles sont en train d’arranger un mariage entre une jeune femme, déformée par une maladie inconnue (la polio ?), et un ouvrier agricole un peu fruste. Les deux vilains petits canards sont bientôt unis et se mettent au travail, retapant une ferme en terre brinquebalante, déménageant du jour en lendemain quand les autorités les y obligent.
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Repoussés d’un peu partout, dédaignés, ils gardent courage. Surtout, une forme de tendresse naît peu à peu entre les deux époux, visible dans de tout petits détails, des gestes généreux, un sourire furtif, de minuscules attentions à l’autre, que Li Ruijun sait admirablement imaginer et saisir. L’image du film est somptueuse.
Une forme de bonheur tranquille ?
On les chasse encore sans égards. Pour lutter contre la grande misère, on donne des subventions à ceux qui détruisent leur taudis, et l’on reloge les paysans dans des immeubles modernes mais absurdes – le pouvoir chinois n’a apparemment pas du tout apprécié cette description, puisqu’il a interdit le film pendant plusieurs mois… Leurs familles les négligent, profitent d’eux sans vergogne. La vie est rude, les travaux et les jours pénibles se succèdent.
Ce couple étrange, dont on doute même qu’ils aient une sexualité, est entêté et courageux comme son âne, leur compagnon de labeur. Ils continuent à travailler la terre, à planter du blé patiemment, à le récolter avec des outils et des machines dignes du Moyen Âge. Lui a des principes, refuse toute aide, rembourse sans cesse ce qu’il a emprunté. Ils parviennent même à produire du blé, à gagner de l’argent, à changer de ferme, à atteindre une forme de bonheur tranquille. Mais le destin ne laisse jamais les gens longtemps heureux.
Alors évidemment, on pourra reprocher au film, présenté en compétition l’année dernière au festival de Berlin, d’être un mélodrame. Mais le mélodrame, c’est très beau. On pourra aussi ne pas apprécier qu’une actrice joue l’infirmité, mais l’admirable Hai Qing n’en fait jamais trop. On pourra même reprocher à Li Ruijun des phrases poétiques et bucoliques qui sont un peu désuètes, qui rappellent les faux proverbes chinois que nous inventions enfants dans les cours d’école, du genre “La pierre tombe sur l’œuf, l’œuf casse. L’œuf tombe sur la pierre, l’œuf se casse”.
Mais ce serait oublier tout le reste, la rigueur du filmage, la simplicité de la mise en scène, son expressivité, son ingéniosité, et la lumière incroyable qui illumine soudain, avec une infinité tendresse de la part du metteur en scène, le visage de ces deux amoureux sans grands mots pour dire l’amour : “Je t’emmènerai à l’hôpital pour voir si on ne peut pas te guérir.” C’est déchirant.
Le Retour des hirondelles par Li Ruijun. En salle le 8 février.
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