Mocky tourne à l’arrache un de ses vieux scénarios en s’entourant d’une bande de grognards turbulents qui s’en donnent à cœur joie.
Tourné en une semaine aux studios de Bry-sur-Marne, Le Renard jaune est l’adaptation d’un roman policier de l’Américain David Alexander intitulé Au rendez-vous des tordus (The Madhouse in Washington Square), publié en 1958. En 1967, Jean-Pierre Mocky en avait écrit le scénario, le destinant à son ami et interprète André Bourvil (Un drôle de paroissien, La Grande Lessive).
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On imagine le tableau. Un beau jour de 2010, Jean-Pierre Mocky retrouve le script jauni du Renard jaune dans un tiroir de son bureau, souffle dessus pour en évacuer la poussière et décide que ce sera son prochain film. Le peu de moyens financiers dont il dispose l’oblige à tourner très vite. Mais il réussit – comme souvent, car le cinéma de Mocky est un cinéma d’acteurs – à s’entourer d’une bande de comédiens tous plus connus et brillants les uns que les autres : Claude Brasseur, Dominique Lavanant, Béatrice Dalle et le grand Michael Lonsdale.
L’histoire est un whodunit classique à la Agatha Christie : qui a tué l’affreux Charles Senac (Bohringer), écrivain “génial” tombé dans l’alcool, que tous les clients du café du quartier, Le Renard jaune, détestent cordialement pour des raisons diverses et variées ?
L’inspecteur Giraud, ancien champion cycliste (Jean-François Stévenin, cigarette électronique au bec), mène l’enquête, tandis que le vieux et gentil pianiste du Renard jaune, Nono (le zozotant Lonsdale, génial) a décidé de faire sauter le café et tous ses habitués pour leur épargner les souffrances de la vie…
Sur ce canevas, Mocky brode un petit récit moral anar comme il en a le secret, où chaque acteur peut jouer sa partition à sa guise – Béatrice Dalle, en femme au visage défiguré par son ancien amant terrible, Senac, est bouleversante. Le fils du patron du bar est un ignoble adolescent qui parle constamment la bouche pleine – il rappelle un peu Albert Juross, acteur dans Les Carabiniers de Godard et Un steak trop cuit de son frère Luc Moullet.
Après une visite croquignolette à la morgue (où un employé renâcle à sortir le cadavre de Senac parce qu’il “n’a pas encore eu le temps de refroidir”…), nous découvrons peu à peu que l’assassinat de l’écrivain a porté chance à tous ceux qui le haïssaient ; par exemple, Polo le serveur (Philippe Chevallier) gagne à un jeu de hasard en ayant misé la somme d’argent que l’on a découverte dans la poche de Senac… Le malheur de l’un fait le bonheur de tous ceux qui rêvaient de le tuer.
Le film de Mocky se termine sur une note nihiliste, désespérée, mais aussi romantique (les jeunes amoureux ont été épargnés) qui laisse un petit goût amer et triste dans la bouche.
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