Deux films courts révèlent l’univers original et lunaire d’un cinéaste prometteur.
Deux moyens pour le prix d’un long, c’est une bonne affaire qui rappelle que le bon cinéma ne se réduit pas au format standard de 1 h 30. Surtout s’il s’agit de découvrir un nouveau cinéaste qui s’inscrit aisément dans le sillage fantasque des Guillaume Brac, Antonin Peretjatko ou Serge Bozon (acteur principal de Je sens le beat…), mais aussi de Jacques Rozier ou Luc Moullet.
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Dans Le Quepa sur la vilni !, le facteur retraité d’un bled des Pyrénées conduit un groupe de cyclistes-sandwiches pour la promo de l’inauguration du cinoche local, qui passe Panique sur la ville (trouvez le lien entre ce titre et celui du film).
Entre cinéphilie et ruralité, Le Quellec fait surtout preuve de fantaisie et de poésie, filmant un peloton erratique et indiscipliné dans un majestueux décor montagnard. Outre un Menez plus mélancolique que burlesque, la présence de Bernard Hinault et de Christophe apporte au film un appréciable supplément d’âme et d’étrangeté.
Le premier, dans son propre rôle, est le dieu de proximité qui veille à la bonne progression des cyclistes – et du film. Le second promène sa nonchalance à dos de mule avec un flegme et un panache souverains. Libre et relâché, porteur d’un humour léger et vierge de tout cynisme, Le Quepa… fleure cependant trop la roziero-moulleterie inaboutie pour convaincre totalement.
C’est surtout avec l’explosif Je sens le beat qui monte en moi que Le Quellec décroche ses galons de cinéaste à suivre. Guide touristique à Angers, Rosalba souffre d’une étrange affection : dès qu’elle entend de la musique, elle se met à danser frénétiquement sans pouvoir se contrôler.
Il faut voir la fantastique Rosalba Torres Guerrero, membre de la troupe de Pina Bausch, se déhancher et virevolter soudainement dans une église dès qu’elle entend un orgue. Un corps astairien, keatonien, éruptif, érotique, révolutionnaire, qui sème la sédition et le bordel dans l’ordre placide de la douceur angevine.
Ce toc dansant est évidemment très gênant (pour le personnage) et très tordant (pour le spectateur) quand il s’agit de dîner aux chandelles avec le collègue que l’on veut séduire (Bozon, impec de placidité lunaire face aux secousses). Romantique et burlesque, impeccablement chorégraphié, Je sens le beat… est une ode au potentiel subversif du corps et à l’essence kinétique du cinéma.
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