Le documentariste canadien Harold Crooks se paie la finance mondiale et accuse le Royaume Uni. Jamais ennuyeux ni manichéen, son film met au jour les processus scandaleux qui, dans les coulisses, président à nos destinées.
A l’heure de la victoire de Syriza et de la politique d’assouplissement monétaire de la BCE, cet excellent documentaire tombe à pic. Avec une clarté, une précision et une concision admirables, Le Prix à payer met le doigt bien profond dans la plaie de la fraude et de l’optimisation fiscales, deux maux qui sont au cœur des problèmes politico-économiques de l’Europe.
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On voit passer devant la caméra d’Harold Crooks (c’est marrant de se nommer “Escrocs” quand on fait un film contre les voyous de l’évasion fiscale) divers acteurs majeurs de l’économie et de la finance. Des bons (journalistes, économistes, parlementaires, financiers repentis, citoyens ordinaires…) et des méchants (banquiers, traders, dirigeants de multinationales, pontes de la finance…). Les uns défendent l’Etat-providence, garant de la justice sociale et de la santé mentale des sociétés, les autres prônent le “tout pour ma gueule et rien à branler des autres”.
Dans quelques-unes des meilleures scènes de ce film, on les voit s’affronter directement lors d’enquêtes parlementaires qui opposent des députés aux cadres de ces corporations transnationales qui font des profits partout mais ne paient d’impôts nulle part. Parmi ces multinationales de l’escroquerie légale organisée, les fameuses “gafa”, alias Google, Apple, Facebook, Amazon. Eh oui, jeune geek branché (et toi aussi vieux dinosaure de mon âge), chaque fois que tu utilises ton ordi ou ton moteur de recherche “gratuitement”, ou que tu te précipites pour acheter l’iPhone 16,
tu développes les giga-profits des “gafa”, la fuite fiscale, le chômage, la misère des dominés et la précarisation croissante des classes moyennes. Je la fais certes un peu courte, mais c’est en gros ce que démontre ce docu.
Harold Crooks ne fait pas beaucoup non plus pour le développement de l’anglophilie : le cœur de la saloperie financière mondiale, c’est la perfide Albion, pour des raisons historico-culturelles. Londres fut la première place forte financière et les Angliches semblent aussi fiers de ça que du 5 o’clock tea ou des Beatles. Prenez la carte mondiale des paradis fiscaux : une immense majorité de confettis britanniques (ou ex), de Jersey aux îles Vierges, de Man aux Caïmans, de Gibraltar à la City… Quand on voit ça, ce truandage légal au cœur de l’Europe politique, le premier réflexe
est de vouloir vitrifier l’empire britannique. Comme on est civilisé, on se ravise et on se dit que les dirigeants politiques européens sont soit incompétents, soit cyniques, soit corrompus, soit les trois à la fois.
Comment ne pas s’unir pour supprimer ces centres de vol des Etats et des peuples et pour ramener dans le giron des finances publiques ces milliards d’euros qui totalisent plus que la somme des déficits de la zone euro ? Au lieu de quoi, on met à genoux les peuples (grec, portugais, espagnol, bientôt italien ou français…), on parle de coût élevé du travail et de réformes structurelles. En voyant ce film (nullement rébarbatif mais au contraire très prenant), on comprend pourquoi les Grecs ont voté Syriza et on devine ce que Tsípras pourrait dire à ses nouveaux collègues de Bruxelles.
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