Sous influence zhang-keienne, Dead Pigs entrelace les destins contrariés d’individus pris dans les rouages du capitalisme chinois contemporain.
Les dents crantées d’une pelleteuse sont-elles devenues le symbole des thématiques animant le cinéma chinois indépendant ? Ce motif, qui embrasse tant l’opposition tradition/modernité que la voracité d’extension/destruction du capitalisme, est en tout cas récurrent chez Jia Zhang-ke, de Still Life (2006), bien sûr, aux Eternels (2018) en passant par A Touch of Sin (2013).
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Inédit en Occident
Ici producteur exécutif, le patron de la sixième génération du cinéma d’auteur chinois semble exercer sur sa cadette Cathy Yan, cinéaste sino-américaine de 38 ans, une forme d’influence. Inédit en Occident, Dead Pigs est son premier long métrage, récompensé à Sundance par le prix spécial du jury en 2018.
Ce passage remarqué dans le festival américain lui a ouvert les portes des patrons d’Hollywood, puisqu’elle a immédiatement intégré la famille DC Comics pour son second film sorti l’an dernier, le superflu Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn.
Mais revenons à nos cochons. Dead Pigs est inspiré d’une affaire datant de 2013, celle de porcs retrouvés morts par milliers dans la rivière Huangpu qui traverse Shanghaï. Comédie noire, le film use (et abuse, il faut bien le dire) des mécaniques du récit choral, son objectif étant de raconter la société chinoise en additionnant les destins singuliers, en montrant comment ils sont imbriqués selon une logique d’effet domino.
Cathy Yan se démarque de son maître par une mise en scène et un ton résolument plus pop, et une charge idéologique plus diluée
On y croise un éleveur de porcs qui se démène pour rembourser ses créanciers véreux après la mort de ses animaux, une femme qui refuse de vendre sa maison de famille à un grand groupe immobilier, un serveur amoureux de la fille d’un riche patron ou encore un Américain installé à Shanghaï pour ses affaires.
Si les thématiques de fond (les mutations de la Chine contemporaine, l’absence de justice sociale et la corruption par l’argent) placent le film dans la galaxie Zhang-ke, Cathy Yan se démarque de son maître par une mise en scène et un ton résolument plus pop, et une charge idéologique plus diluée.
Outrances et effets de séduction
A l’image de cette scène de karaoké qui résout en un tour de passe-passe maladroit le conflit central du film (“comme dans un film hollywoodien”, dira un personnage), la cinéaste multiplie les outrances et les effets de séduction. Mais derrière son côté sucré, le film recèle une amertume terrifiante.
Au-delà de son métissage (un film à mi-chemin entre esthétique indé et mainstream, avec un casting international, écrit et réalisé par une réalisatrice sino-américaine et financé par des capitaux chinois), Dead Pigs raconte une société profondément gangrenée et irréconciliable.
Dead Pigs de Cathy Yan, avec Zazie Beetz, Mason Lee, Meng Li (Chi., E.-U., 2018, 2h10). Sur Mubi le 12 février
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