Dans un long article du “New York Times”, la journaliste Maureen Dowd tacle les inégalités entre hommes et femmes au sein d’Hollywood. Plus de 100 femmes – actrices, réalisatrices, scénaristes ou productrices – ont apporté leurs témoignages, révélateurs du sexisme ordinaire sévissant dans une industrie « malade ».
Ce n’est pas la première fois que le New York Times évoque le sexisme sévissant à Hollywood. L’an dernier, la journaliste Manohla Dargis publiait une longue tribune dénonçant la discrimination institutionnelle subie par un grand nombre de réalisatrices au sein de l’industrie hollywoodienne. Mais l’article au long cours de Maureen Dowd, paru dans les colonnes du magazine new-yorkais la semaine dernière, donne au sujet une résonance jusque-là inédite.
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« Des réalisatrices considérées comme des dragons »
Après six mois d’enquête à Hollywood, où elle a recueilli les propos d’un grand nombre de réalisatrices, actrices et productrices, Maureen Dowd – lauréate du prix Pulitzer en 1999 pour ses articles sur l’affaire Monica Lewinsky – a en effet rédigé un papier incisif, extrêmement informé, dénonçant le sexisme qui frappe de plein fouet l’industrie hollywoodienne. Intitulé Women of Hollywood Speak Out, l’article évoque non seulement la discrimination à l’embauche mais aussi la façon très disparate dont sont perçus hommes et femmes au sein de l’industrie.
« Les hommes réalisateurs à fort tempérament sont immédiatement perçus comme des génies excentriques, écrit-elle, les réalisatrices agissant de la même façon sont invariablement considérées comme des dragons. »
La journaliste n’a pas besoin d’entrer dans un long réquisitoire pour faire entendre son propos et il lui suffit d’évoquer les chiffres pour rendre compte des disparités flagrantes entre hommes et femmes à Hollywood. D’après une étude de l’USC (University of South California) , seuls 1,9 % des réalisateurs sur les 100 plus gros succès de 2014 sont des femmes. Une autre étude, menée par l’université de San Diego, a démontré que sur la même année, 95 % des chefs opérateurs, 89 % des scénaristes, 82 % des monteurs et 77 % des producteurs officiant à Hollywood étaient des hommes.
Dans le même temps, Maureen Dowd soutient que des succès tels que Bridesmaids, Hunger Games, Pitch Perfect 2 , Mamma Mia ou encore Crazy Amy prouvent que des films réalisées ou portées par des femmes peuvent aisément se hisser au sommet du box-office.
« Ils veulent qu’on soit des nonnes obéissantes »
Pour étayer son propos, et lui donner une incarnation concrète, Dowd a donné la parole à de nombreuses femmes exerçant à Hollywood, aussi bien à des actrices ou réalisatrices de renom qu’à des femmes de l’ombre (certaines allant jusqu’à garder l’anonymat pour éviter des représailles). Certains témoignages sont édifiants.
Ainsi, Liz Meriwether, créatrice de New Girl, explique qu’au moment de la conception de la série, un producteur lui avait expliqué ne pas comprendre comment l’héroïne pouvait être à la fois intelligente et sexy.
Pour l’actrice et réalisatrice Anjelica Huston “Hollywood est comme une église. Ils ne veulent pas qu’on devienne prêtres. Ils veulent qu’on soit des nonnes obéissantes”. Une scénariste désirant conserver l’anonymat a pour sa part expliqué s’être accoutumée à entendre des producteurs lui dire “tu ne pourrais pas insérer une scène de viol ici ?” ou “pourquoi n’iraient-ils pas dans un club de strip tease à tel moment”.
« Un homme a droit à une standing ovation s’il se met à pleurer sur le plateau »
Lena Dunham, la talentueuse showrunneuse de la série Girls a elle aussi exprimé son désarroi face à de telles inégalités. “J’ai l’impression qu’on dit trop souvent aux femmes ‘tu n’es pas assez agressive, tu ne t’es pas fait suffisamment connaître‘ » explique t-elle. “On ne devrait pas avoir à lutter deux fois plus pour avoir ce que les hommes obtiennent simplement en se montrant.” Catherine Hardwicke, réalisatrice et scénariste mais également chef décoratrice sur un grand nombre de films, a quant à elle fait part de sa frustration face à la différence de perception entre les comportements des hommes et des femmes sur un plateau :
« En tant que chef décoratrice, j’ai travaillé avec plus d’une vingtaine de réalisateurs différents, des hommes pour la plupart. J’étais au premier rang pour constater des pétage de plombs dus à des situations limites – licenciements abusifs, bagarres entre acteurs et réalisateurs, budgets explosés, manque de préparation, putes sur le tournage et j’en passe… Un homme a le droit à une standing ovation s’il se met à pleurer quand il est acculé, mais une femme est invariablement perçu comme étant faible et trop émotive. »
Nombreux sont les témoignages du même acabit, et il y a fort à parier que l’enquête menée par Maureen Dowd ait servi de catalyseur à un grand nombre de professionnelles d’Hollywood, leur permettant de s’exprimer publiquement sur des actes discriminatoires jusqu’ici volontairement tus. Interrogée par le site The Wrap après la publication de son article, la journaliste a expliqué comment elle a graduellement réalisé l’ampleur du phénomène lors de ses six mois passées à Hollywood : « A partir d’un moment j’ai réalisé : ‘wow, cette ville incroyablement libérale pleine de mecs qui se disent féministes est en réalité complètement viciée’. C’est une société malade. »
L’intégralité de l’article et des témoignages à lire sur le New York Times.
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