L’agenda Netflix accouche d’un film de fin du monde non sans belles pistes, mais qui ne mène nulle part et s’oublie sitôt terminé.
La promotion, le titre, les images de Julia Roberts, Ethan Hawke et Mahershala Ali, mine désemparée sur un fond de route forestière désertée où trône un cerf majestueux, donnent une image quelque peu mensongère de ce film qui sort aujourd’hui sur Netflix et nous raconte, non pas la post-apocalypse et la survie de quelques rescapé·es d’une humanité déjà balayée, mais le point de bascule. Et même quelque chose de plus resserré encore : le point de bascule du strict point de vue d’une poignée de personnages, avec cette particularité potentiellement intéressante, qui est qu’on a affaire à un film dont les protagonistes n’ont aucune idée de ce qui se passe.
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Quelles sont vos intentions ?
En l’occurrence deux familles : une blanche, parents de professions intellectuelles raisonnablement supérieures, deux enfants ado et préado ; et une noire, qui se limite à un tandem père-fille, mais avec un habitus plus élitaire, des signes d’appartenance à la haute bourgeoisie métropolitaine. La première loue à la deuxième, pour le week-end, une maison dans les Hamptons, où elles vont devoir finalement cohabiter lorsque s’abat un blackout total des télécommunications.
Le film va s’employer à un programme assez attendu, à savoir l’abolition progressive du vernis de civilité à mesure que les réflexes de survie prennent le dessus sur les lois sociales. Il entame des pistes intéressantes, impliquant plus ou moins savamment les spectateur·ices, comme lorsque la deuxième famille apparaît sur le perron et avec elle un nuage de doutes honteux : sont-ils vraiment ceux qu’il et elle prétendent être, ou cachent-ils d’autres intentions ? Regarde-t-on un huis clos survivaliste ou un home invasion ?
On navigue dans le flou
Si le premier acte du Monde après nous peut donc convaincre, ou à tout le moins laisser espérer un film assez subtil, lié aussi à la manière qu’il a d’éviter les caractérisations attendues et grossières et de s’attacher à une forme de normalité (les parents ne sont ni passionnément complices ni sur le pied de guerre, les enfants sont raisonnablement caractériels), on doute assez rapidement de la faculté de son auteur à naviguer dans sa propre tempête de signes.
Le film semble naviguer à vue, jouant la montre à coup de conciliabules verbeux, raccroché à des interrogations philosophiques d’un faible niveau d’originalité et de maturité (“I fucking hate people”, mantra rabâché par les dialogues : l’humanité mérite-t-elle d’être sauvée, etc.), et finissant par tout dévoiler, ce qui le prive d’une bonne partie de son intérêt. Une seule petite beauté perce véritablement au-dessus de ce bouillon de tranquille médiocrité : le personnage de la fille, privée par le blackout du dernier épisode de Friends, et qui s’y accroche d’une façon assez poignante (son vibrant “I care for them” lorsque son frère se moque de son attachement à ces êtres de fiction). On se demande néanmoins dans quelle mesure le film s’imagine que l’on s’intéresse autant à ses propres personnages qu’elle au sort de Ross et Rachel.
Le Monde après nous de Sam Esmail, avec Julia Roberts, Ethan Hawke et Mahershala Ali. Sortie le 8 décembre sur Netflix.
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