LE MAL DU PAYSvendredi 6 avril, France 2, 0 h 20Deux corps noirs, affalés sur le sol, prostrés, en attente, dans un lieu fonctionnel, anonyme et blanc, alors que les jets vrombissent sur les pistes toutes proches d’Orly. En quelques plans sobres, exacts, laconiques, Laurent Bachet circonscrit le sujet de son moyen métrage : les […]
LE MAL DU PAYS
vendredi 6 avril, France 2, 0 h 20
Deux corps noirs, affalés sur le sol, prostrés, en attente, dans un lieu fonctionnel, anonyme et blanc, alors que les jets vrombissent sur les pistes toutes proches d’Orly. En quelques plans sobres, exacts, laconiques, Laurent Bachet circonscrit le sujet de son moyen métrage : les conditions d’accueil que notre République réserve aux émigrants venus d’Afrique et, plus généralement, la dégueulasserie ordinaire de ce qu’on appelle poliment les « relations Nord/Sud ».
Ancien journaliste (à Première, Libération, France Inter) et collaborateur occasionnel de ce journal, le cinéaste a retenu les leçons de ses maîtres américains : fermeté des plans, sécheresse et juste rythme du montage, souci des corps, des gestes et des lieux, attention aux petits détails qui scellent la croyance du spectateur. Ainsi, dans ce dense huis clos entre deux Rwandais qui désirent entrer en France et des flics parisiens qui veulent les coincer pour transport de drogue, Bachet saisit la durée des attentes, la froideur d’une zone de transit, la fatigue, l’inquiétude, toutes choses qui parlent mieux qu’un long discours. Il montre comment on force les gens à ingurgiter un laxatif pour fouiller leurs entrailles. Bachet évite le manichéisme gentils Africains/flics pourris : la police des frontières peut s’incarner en une jolie fille en jeans ou un type qui aime le rock et lit Le Monde. Quant aux deux Africains, il est fort possible qu’ils passent effectivement de la came. Cette vérité humaine rend le film d’autant plus fort puisqu’il nous signifie calmement, entre les images, que malgré ça, on ne devrait jamais humilier ainsi les gens, surtout quand on représente la « terre des droits de l’homme ». Un des deux Rwandais finit par entrer sur le territoire et sonne chez un ami dans une cité de banlieue. Loin d’être un havre de paix, celle-ci connaît ses propres tensions sociales et tribales. Ainsi Bachet relie le local et le planétaire en un raccourci audacieux. Si le personnage a le mal du pays, le cinéaste a mal au sien. Beau film.
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