Un beau matin, la peur panique saisit Christelle devant ce qui la relie au monde de façon flagrante à ce moment X de son existence : un nourrisson. Et c’est elle qui va être frappée d’une petite mort subite. Incapable d’affronter cette troisième naissance, elle va fuir et s’engouffrer par hasard dans l’appartement d’une voisine. […]
Un beau matin, la peur panique saisit Christelle devant ce qui la relie au monde de façon flagrante à ce moment X de son existence : un nourrisson. Et c’est elle qui va être frappée d’une petite mort subite. Incapable d’affronter cette troisième naissance, elle va fuir et s’engouffrer par hasard dans l’appartement d’une voisine. Laissant mari et enfants sans nouvelle, laissant sa place vacante, elle va en occuper une autre de force, squattant la sphère privée de Claire. Entre elles deux va alors se nouer une sororité sur le tas, forcée, dérangeante, éprouvante. De cette liaison régressive et réparatrice, des interactions vont naître. Et c’est ici, avec ce jeu de déplacements physiques et mentaux, que le film prend toute son ampleur. Le lait fonctionne sur le principe de la contamination. L’acte de Christelle va ébranler les sentiments de la ronde de personnages qui l’entourent. Il va contraindre chacun à se décentrer pour s’interroger sur soi et son lien avec l’autre. Parallèlement à cette circulation qui fonctionne très bien, le film se fonde sur un intéressant alliage de contraires. Le film réunit des acteurs venant d’horizons très différents, reflet du brassage habituel de la vie ; est parcouru de ruptures de rythmes et de ton : la scène d’ouverture flirte avec le fantastique, le pouvoir comique de Sergi Lopez agit en contrepoint du drame ambiant, l’état limite de Christelle engendre un mélange de détresse, drôlerie, solidarité et âpreté. L’utilisation du Scope et de couleurs saturées tranchent aussi violemment avec le caractère intimiste du propos, comme si Cabrera avait voulu inscrire son personnage dans la vie à tout prix, la plongeant dans des lumières chaudes et un espace viable quoi qu’il en soit. Dans ce film sur la vulnérabilité du lien qui nous unit au monde, Cabrera n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle délaisse le fil narratif pour les moments d’entre-deux, hors du temps, instants d’abandon ou de confidences. C’est là qu’elle parvient à capter de vrais moments de grâce.
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