Réédition de quelques films sublimes des virtuoses Norstein et Iarboussova, poètes géniaux du cinéma d’animation. D’abord dessinateur aux studios Soyouzmoultfilm de Moscou, Youri Norstein conçut les trois films d’animation Le Héron et la cigogne, Le Hérisson dans le brouillard et Le Conte des contes, de 1973 à 1979, en collaboration avec sa femme, Francesca Iarboussova. […]
Réédition de quelques films sublimes des virtuoses Norstein et Iarboussova, poètes géniaux du cinéma d’animation.
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D’abord dessinateur aux studios Soyouzmoultfilm de Moscou, Youri Norstein conçut les trois films d’animation Le Héron et la cigogne, Le Hérisson dans le brouillard et Le Conte des contes, de 1973 à 1979, en collaboration avec sa femme, Francesca Iarboussova. Travaillant les thèmes apparition/disparition, perte/retrouvailles, Norstein enfouit ses personnages animaliers et humains dans des labyrinthes émotionnels bordés d’une nature envahissante et insolite. L’eau et le feu, sous toutes leurs formes, constellent leur cheminement. Il ne fait pas soleil chez Norstein. C’est plutôt une lumière irréelle, comme une neige brûlante qui illumine soudain une feuille de papier vierge, où perce l’entrée d’une maison jaillie de l’enfance d’un long couloir lumineux trouant la pénombre et le temps.
Car l’art de Norstein puise dans l’obscurité des mémoires et des frayeurs nocturnes. C’est un univers onirique, inspiré des contes russes, un univers de papier qui s’incarne avec une intensité surprenante et presque hypnotique. Surgissent des mondes parallèles, poétiques et mélancoliques, où un hérisson, menacé de disparition par un brouillard aussi opaque qu’un écran, épuisé par la peur, se laissera glisser au fil d’une rivière comme dans une mort très douce, où un héron et une cigogne jouent à se perdre et butent chaque fois sur une solitude infinie.
Les dessins, tous réalisés par Iarboussova, sont extrêmement travaillés, graphités, picturaux. Certains empruntent au bestiaire de Picasso comme l’énorme Minotaure sautant à la corde. Le scintillement des rivières et des éclairages se détachant dans l’obscurité rappelle les enluminures, et les couples perdus dans les airs au-dessus de la maison dans Le Conte des contes évoquent les tableaux de Chagall.
Le plus sidérant est la façon dont Norstein filme ses décors et ses personnages, parvenant à créer une profondeur de champ, intégrant de manière parfaite des éléments réels à l’animation (eau, flammes, pommes, braises…), donnant une vraie sensation de vitesse au passage d’un train… L’inventivité dont il fait preuve pour recréer les matières à l’aide de filtres ou de calques, l’utilisation de l’ombre et de la lumière, de la musique et des sons tiennent de la virtuosité. Pour Le Conte des contes, son œuvre la plus intime, Norstein est parti d’une berceuse, avec un louveteau gris pour fil conducteur. Impressionnant de liberté narrative et de maîtrise formelle, le film est construit comme une traversée des consciences, ouvrant des portes sur le passé et le présent. Au monde de l’enfance se substitue le temps de la guerre, introduit par la disparition brutale des hommes aux bras des femmes en train de danser.
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