Dans les années 70, les gays américains ont imaginé le « hanky code », un langage qui permet d’afficher ses préférences sexuelles en un clin d’oeil. Le principe: glisser un bandana de couleur dans la poche arrière de son pantalon.
Sous le titre Hanky Code : The Movie, le collectif de cinéastes queer Periwinkle Cinema, basé à San Francisco, a compilé 25 court-métrages consacrés chacun à une des couleurs du « hanky code » qui ont été tournés pour l’occasion aux quatre coins du monde. Ces films drôles et déjantés nous ont donné envie d’en savoir plus sur l’histoire du « hanky code », que nous vous racontons aujourd’hui.
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Tout a commencé dans les années 1970, lorsqu’un journaliste du Village Voice fait remarquer dans l’une de ses chroniques que ce serait beaucoup plus efficace si les gays utilisaient des mouchoirs de différentes couleurs pour indiquer leurs préférences sexuelles. L’usage alors se bornait à indiquer uniquement s’ils étaient actifs ou passifs en glissant leurs clefs dans la poche arrière gauche ou la poche arrière droite de leur jean.
Un code couleurs très clair
Bien qu’il ne s’agissait que d’un trait d’humour, sa proposition a inspiré la communauté gay de l’époque, qui a élaboré un code couleurs reflétant les différentes pratiques sexuelles et fétichismes. Le bandana, ce petit foulard imprimé disponible dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, qu’on peut facilement glisser dans une poche, et associé à l’archétype de virilité qu’est le cow-boy, s’est vite imposé comme le messager du « handkerchief code », qui signifie littéralement « code des mouchoirs en tissu », rapidement surnommé « hanky code ».
Tout est dans la nuance
En annonçant d’emblée la couleur, on s’épargne ainsi déconvenue ou déception, et on gagne surtout beaucoup de temps… Exactement comme sur Grindr de nos jours, où les utilisateurs sont invités à lister leurs préférences en matière de pratiques sexuelles et concernant le physique de leurs partenaires potentiels. On trouve sur internet de nombreux nuanciers qui déchiffrent ce langage codé couleur par couleur. Il existe au moins une soixantaine de variantes. Un bandana de couleur bleu navy glissé dans la poche arrière gauche du pantalon indique que celui qui le porte est actif, tandis qu’à droite il indique que ce dernier est passif. Même principe pour indiquer si un amateur de BDSM est dominateur ou soumis, selon le côté où est porté le bandana gris foncé. Un foulard couleur lavande glissé dans la poche gauche révèle une attirance pour les drag queens, tandis qu’un profond jaune d’or est un signe de reconnaissance entre les amateurs de golden shower.
Le « hanky code » se révèle être un véritable art de la nuance qui ne saurait tolérer aucune défaillance visuelle. Une mauvaise interprétation, et l’aventure peut virer à la déconvenue voire au cauchemar. Exemple : un bandana rouge au motif imprimé en noir porté à droite annonce que celui qui l’arbore cherche un « bear », tandis qu’un bandana de la même couleur dont le motif n’est pas de couleur noire indique que celui que le porte à gauche est un fist fucker. Ça se corse au niveau des tons bleus. Bleu ciel à gauche : veut se faire sucer. Bleu ciel à gauche, avec motif imprimé en blanc : je suis un marin. Bleu canard : j’aime torturer les parties intimes de mes partenaires.
Manteau en poils de chameau, chaussures en daim
Ce langage codé a connu son heure de gloire jusqu’à la fin des années 1980. Bruce Springsteen lui a rendu hommage sur la pochette de son disque Born in the U.S.A. sorti en 1984, et Peaches lui a même consacré une chanson sur l’album Impeach My Bush.
Avant que le code des bandanas ne fasse son apparition, il existait d’autres subtils signes de reconnaissance. À l’époque victorienne, il était par exemple d’usage d’arborer des vêtements de couleur verte. Au 20ème siècle, porter un manteau en poils de chameau ou des chaussures en daim était également un moyen d’afficher discrètement son homosexualité. Les gays parisiens ont même été particulièrement imaginatifs, comme le raconte Jeremy Patinier dans son savoureux petit précis de culture LGBT Queer sais-je ? Version Gay :
« En France, dans les années 80-90, même dans le métro il était aisé de se retrouver entre gays. Le collectif CHUT (Comité Homosexuel urbain des transports) avait en effet récupéré le slogan de la RATP «Prenez la deuxième voiture» pour proposer aux homos de monter systématiquement dans la seconde voiture de la rame (ironiquement, la seconde option…) pour avoir en quelque sorte une voiture gay sur chaque rame ».
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