Le grand sommeil

Un scénario obscur, des dialogues brillants, et, surtout, un duo électrique : Bacall-Bogart. La quintessence du film noir.
Que signifie ce beau titre, chanté en 1982 par Etienne Daho, et qui lui a porté bonheur ? Le grand sommeil, est-ce une allusion à la résignation arctique du caribou, cet animal proche du wapiti qui, en hiver, ralentit son activité, comme en hibernation, en attendant les jours meilleurs ? Ne pas compter sur le scénario pour nous éclairer : il est connu pour être l’un des plus abscons de l’histoire du cinéma. A côté, Mulholland Drive, c’est Oui-Oui à Hollywood. Le plus passionnant ici, ce qu’on retient, ce qu’on ne se lasse pas de revoir, c’est le face-à-face Boggie-Bacall, la façon qu’ils ont de s’affronter, de s’apprivoiser, de s’aimer. Un grand numéro, dont le motif principal est la cigarette. Comment je te l’allume. Comment je te la mets entre les lèvres. Comment je te tire dessus. Lauren et Humphrey donnent une inoubliable leçon d’élégance et de distance. De cool, dirait-on aujourd’hui. La leçon est la suivante : même quand les plus grands dangers menacent, surtout quand les plus grands dangers menacent, gardez le sourire, et trouvez quelqu’un avec qui flirter. Et flirter, ici, ça veut d’abord dire parler, et parler encore. On est bien dans un film de Hawks, et adapté de Chandler en plus. C’est dire si ça jacasse. Les scénaristes ont donc déployé des trésors d’ingéniosité pour faire entrer tous ces dialogues brillants au chausse-pied dans une intrigue suffisamment compliquée pour tous les accueillir. Le résultat est brillantissime, à la condition expresse de regarder le film en version originale. Of course.

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