Entre critique sociale, rire féroce et révolte poétique, un conte amer sur les dégâts du capitalisme.
L’affaire se noue autour de deux frères “ennemis” : à notre gauche, Not (Poelvoorde amaigri, parfait), punk à chien et dernier des Mohicans no future ; à notre droite, Jean-Pierre (Dupontel, plus que parfait), vendeur de meubles dans une grande surface.
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Comme son surnom l’indique, Not est contre tout, vit dans la rue, subsiste de charité et de petits larcins. Au contraire, Jean-Pierre est un bon petit soldat prosélyte de la société marchande et de la vie à crédit.
Jusqu’au jour où il se fait licencier…
Les deux frères antinomiques se retrouvent chez maman Fontaine (qui marmonne des choses inintelligibles) et papa Areski (qui ne dit rien) dans leur restaurant de chaîne, La Pataterie. Tout ce petit monde évolue dans une zone commerciale esthétiquement atroce (pléonasme), stérilisée de l’âme et quasi déserte du fait de la crise : personne
à la Pataterie, zéro client à la literie de Jean-Pierre.
Enquillant scènes-sketches (Jean-Pierre pétant les plombs filmé en direct sur mobile par son patron), dialogues de sourds (Jean-Pierre expliquant à son père impassible les avantages et inconvénients des écrans plasma), burlesque grinçant (Jean-Pierre en crise de nerfs cow-boy), Le Grand Soir est une fable sur la France oubliée des zones péri-urbaines, des employés en fin de contrat ou des chômeurs en fin de droits, un conte amer et drolatique sur les dégâts causés par la phase actuelle du capitalisme qui ne laisse quasiment plus d’autres alternatives que la révolte.
Mais si elle est une réaction à la fois épidermique et censée, la révolte individuelle porte en elle ses propres limites : donner des coups de boule dans un système inique, certes, mais pour proposer quoi à la place ?
Cette barrière est celle à laquelle se heurtent Not et Jean-Pierre, mais aussi Delépine et Kervern. Le Grand Soir est un film qui soulage, qui questionne, qui fait rire et flipper, mais qui laisse sur un sentiment de so what ?
Not et Jean-Pierre ont du mal à dépasser le stade réactif de leur révolte, comme Delépine et Kervern ont du mal à terminer leur film. Ils ne parviennent pas non plus à transformer complètement en cinéma leur ADN de comiques télévisuels (graphisme plutôt que plans, personnages-figurines bien dessinés mais sans véritable épaisseur…).
Le Grand Soir est un film bon esprit (ou plutôt d’un réjouissant mauvais esprit), une comédie de grands ados attardés, un film punk avec toute la grandeur (jamais domptés !) et la limite du genre (no future, et après ?).
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