Pas tout à fait raté, le second long-métrage de Nicolas & Bruno (La Personne aux deux personnes) reste très dispensable, surtout au regard de son inattendue prétention.
Plutôt très mal engagé avec son casting mêlant clowns déchus (Benoît Poelvoorde), tayloristes de la comédie française popcorn (Kad Merad) et glorioles du petit écran (Fred Testot, Charlotte Lebon), Le Grand Méchant Loup n’avait pour atout que la signature de Nicolas & Bruno. Jadis gage d’un ton comique malade et grinçant, l’esprit de satire du duo s’est manifestement dilué depuis les belles années du Message à caractère informatif (avec entretemps le déjà moins bon La Personne aux deux personnes). Ce second long-métrage évite néanmoins la catastrophe grâce à une écriture finaude qui s’articule même, il faut le dire, avec une interprétation plutôt bien sentie – où une résurgence d’un autre temps de la comédie française nous rappelle qu’avant de devenir leur propre caricature, ces comédiens étaient tous trois bourrés de talent.
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Le Grand Méchant Loup se place donc comme une réinterprétation du conte des trois petits cochons, ou le vilain prédateur ne serait plus une bête affamée mais un démon intérieur, l’infidélité, et son surgissement soi-disant inéluctable à la crise de la quarantaine. Les trois frères voient, un par un, l’adultère frapper à la porte fragile de leur couple, et se réfugient l’un après l’autre chez celui dont la « maison » est plus solide.
Cette mécanique de l’apologue semble de prime abord fonctionner, et même conférer au film un cadre semi-fantastique (la ronde des destins balisée par un conte pour enfants) assez original. Ce n’est en fait qu’un rideau de fumée venu masquer une intention générale complètement bidon, qui volète un tout petit peu au dessus du produit de base de la comédie romantique quadra, et échoue platement quand il s’agit de faire rire : pour faire simple, dans le meilleur des cas, Le Grand Méchant Loup est l’équivalent français d’un mauvais Apatow. S’il veut arriver à la cheville d’une comédie de la trempe de 40 ans mode d’emploi, il devrait en premier lieu rétablir un semblant de symétrie en se débarrassant de son machisme : pour Nicolas & Bruno, la femme est, tout au plus, une sorte de logiciel, programmé pour osciller indéfiniment entre séduction et jalousie, un corps de pure réaction – et jamais d’action.
Ce serait la moindre des choses pour accéder au véritable objet sur lequel le film lorgne avec insistance : la pièce de mœurs française. Le Grand Méchant Loup se veut d’abord chabrolien (tromperies à tiroirs espionnées depuis les buissons dans le jardin d’une villa), avant de s’inventer une filiation ambiguë avec les comédies dramatiques intello-bourgeoises des années 1990, de Dieu seul me voit (Versailles et Podalydès, forcément) à Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) d’Arnaud Desplechin, frontalement parodié dans une séquence très curieuse où la voix off récite des considérations ampoulées à la troisième personne. C’est là que réside le rapport très complexé que le film de Nicolas & Bruno, somme toute très prétentieux, entretient avec ce cinéma : il voudrait tout à la fois s’y inscrire et le moquer, puisqu’il n’est capable d’aucun des deux.
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