Bien joué et bien écrit, le premier film d’Agnès Jaoui manque de folie et déçoit par son côté consensuel, son savoir-faire prévisible.
Le Goût des autres, la chose au monde la mieux partagée ? Pourquoi, alors que le film cumule les atouts, mon goût fait-il désordre ? Pourquoi résister
à ce que tous, à juste titre, ont loué, à savoir
la narration enlevée, la rythmique souple,
et l’enchaînement élégant des séquences, le fin nappage de mots d’auteur et l’injection de
la mélancolie dans la comédie, le refus
du monolithisme dans le trait des personnages, l’esquive de la condescendance, de la caricature,
du cynisme ou du mépris, et une distribution infaillible ? Parce que justement cette faille manque, son absence m’asphyxie, le gommage
de toute aspérité ne peut accrocher mon regard, aucune écharde ne peut m’aiguillonner. L’œil tout juste aiguillé, dans une direction unique. Trop enclin à faire la fine bouche, voire mauvais coucheur ou peine-à-« jaouir », j’assume mes travers. Sous couvert de mettre à mal les chapelles, dynamiter les coteries, faire se rencontrer privé et subventionné (métaphoriquement, le film a recours au théâtre ; au cinéma on dit auteuriste et populaire, et en politique, cohabitation), Agnès Jaoui, en privilégiant le recentrage et le nivellement, chèvre et chou ménagés, prend le risque d’instaurer ce qu’elle désirait combattre, une nouvelle dictature du goût : le tiède de
très bonne facture, qui s’est trouvé là un nouvel ambassadeur.
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