Frédéric Videau interroge ici son frère, sa mère, et surtout son père, les nombreuses questions du cinéaste quarantenaire finissant toutes par converger vers un noyau de non-dit absolu mais lourd de conséquences : vingt ans auparavant, Jean-Claude Videau prenait son fils pour un homosexuel et le prenait mal, mais en silence. Le fils (qui n’était […]
Frédéric Videau interroge ici son frère, sa mère, et surtout son père, les nombreuses questions du cinéaste quarantenaire finissant toutes par converger vers un noyau de non-dit absolu mais lourd de conséquences : vingt ans auparavant, Jean-Claude Videau prenait son fils pour un homosexuel et le prenait mal, mais en silence. Le fils (qui n’était d’ailleurs pas pédé, mais peu importe) sentait ce regard et ce « soupçon », mais ne disait rien non plus. Et, de même que certains cinéastes font un film pour un plan ou une scène qui leur est indispensable, on sent que Frédéric Videau a entrepris ce projet pour faire affleurer la parole sur cet immense non-dit. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le film entamé sous forme d’entretiens-interrogatoires frontaux classiques se termine sur un long dialogue où père et fils se tiennent ensemble dans le cadre. Cette évolution du dispositif est l’un des éléments de mise en scène qui transforme une affaire privée en film public : ce qui a priori ne regarde que Frédéric Videau finit par nous regarder ? d’ailleurs, quoi de plus universel que les rapports entre un père et un fils. Il faut dire aussi que les membres de la famille Videau sont de vrais personnages, du père aux manières douces et introverties à la mère qui lâche des mots et des vérités aiguisées, sans parler du frère, étranglé par l’émotion de ne pas savoir dire à son père qu’il l’aime. L’intérêt du film réside d’ailleurs dans le décalage entre cette famille de « français moyens », plutôt manuels, plutôt taiseux, et « l’intello » du clan qui les filme et les met sur le grill. Le film a ainsi un côté un peu western, un peu biblique, genre « retour en ville du mauvais fils ». Parfois lui-même présent à l’écran, Frédéric Videau habite aussi formidablement son film, par son humour, sa façon de fouiller sans relâche les zones d’ombres familiales, et sa voix étrange, très sonogénique. Et alors qu’on pensait qu’une caméra empêchait les échanges intimes par son essence voyeuriste, Le Fils de Jean-Claude Videau prouve qu’elle peut aussi libérer la parole et aider une famille à combler ses béances.
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