LE FILM : N’en déplaise aux millions d’entrées de La Môme d’Olivier Dahan, le grand biographe du cinéma français reste Sacha Guitry, qui mit en scène le plus beau portrait de chanteuse qui soit : La Malibran. Dans son œuvre, l’amour des grands hommes, plutôt que de se livrer à la déconstruction braillarde des mille et […]
LE FILM : N’en déplaise aux millions d’entrées de La Môme d’Olivier Dahan, le grand biographe du cinéma français reste Sacha Guitry, qui mit en scène le plus beau portrait de chanteuse qui soit : La Malibran. Dans son œuvre, l’amour des grands hommes, plutôt que de se livrer à la déconstruction braillarde des mille et une facettes d’une vie, préfère s’atteler à ce qui est l’un des mystères de toute biographie : sa continuité. En 1948, la question se pose doublement pour le cinéaste : Talleyrand, le diplomate héros du Diable boiteux, passa en toute souplesse d’une allégeance à une autre, et Guitry sortait meurtri par les accusations de complaisance envers l’occupant allemand qui lui valurent deux mois d’emprisonnement. Dans les deux cas, il fallait montrer que la capacité d’adaptation à différents régimes se faisait au nom d’un intérêt supérieur, la protection coûte que coûte de la Nation qui ordonne de supporter toutes les compromissions. Permanence de la France, permanence de l’être. Le film met admirablement en scène cette obstination caméléonesque à sauver ce qui fait la grandeur d’un pays, grandeur cependant mise en scène comme perdue : série de congés donnés aux personnages, visages grimés, raideur des postures, lent affaissement du personnage de Talleyrand, génialement interprété par Guitry qui joue de son handicap (la claudication) comme d’une mécanique héroïque. La Seconde Guerre mondiale, et ses nouvelles règles, a totalement remisé au rang de vieilleries diplomatiques la valse ancienne des négociations guidées par l’esprit des Lumières. S’éloignant peu à peu de la défense orgueilleuse pro domo, le film devient une longue cérémonie des adieux à toute une civilisation exsangue. Parlant d’une voix assourdie, comme récitant un texte ressassé depuis trop longtemps déjà, Guitry prouve que le comédien et le diplomate occupent une même place, souveraine et méconnue : celle du souffleur qui inspire, en douce, les meilleures répliques. Une fois sa mission achevée, il ne lui reste plus qu’à expirer.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
LE DVD : Une analyse du film par Jean Douchet.
{"type":"Banniere-Basse"}