Comment Murnau, par la seule force expressionniste du cinéma, met en scène les aléas de la fortune à travers un bouton de redingote. Poétique et génial. Les contes d’Andersen ont ceci de magique qu’on peut les résumer à une simple maxime ou bien plonger dans chaque détail comme dans un univers poétique. Le Dernier des […]
Comment Murnau, par la seule force expressionniste du cinéma, met en scène les aléas de la fortune à travers un bouton de redingote. Poétique et génial.
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Les contes d’Andersen ont ceci de magique qu’on peut les résumer à une simple maxime ou bien plonger dans chaque détail comme dans un univers poétique. Le Dernier des hommes a cette force jubilatoire. Du jour au lendemain, le portier d’un palace se trouve relégué aux chiottes. Plus assez costaud pour porter les valises. On lui retire alors la splendide redingote qui faisait toute sa fierté. Sans sa belle livrée à boutons dorés, il n’est plus qu’un vieillard rabougri. Jusqu’au jour où un riche client meurt et lui lègue sa fortune. A partir de ce scénario digne d’un conte enfantin dont la maxime serait « Il n’est point de fortune sûre et certaine », Murnau montre son époque, les années folles, sur un mode « expressionniste ». Expressionniste, Murnau ? En fait, il exploite toutes les ressources techniques dont dispose alors le cinéma : expressivité rigolarde des visages en gros plan, hallucinogène lenteur des mouvements de personnages, premiers travellings de l’histoire du cinéma, stylisation graphique des décors, déformation de l’image pour traduire une perception mentale, inquiétante étrangeté de chaque plan digne de dessins de Léon Spilliaert… Mais le plus stupéfiant, c’est la capacité qu’a le cinéaste à faire entendre dans un film muet, par la musique des images, la folie d’un monde qui vacille. 1924. Folie des fortunes qui se font et se défont à une vitesse vertigineuse à la loterie de la Bourse sur le dos d’une Allemagne ruinée. André Breton publie le Manifeste du surréalisme. Kafka meurt. Les bruits de bottes des périls à venir sont tout proches.
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