La sortie en DVD de la “trilogie de la vie” et du Salò de Pasolini redonne sens au concept tant galvaudé d’événement. Enfin disponibles partout et pour tous, voilà quelques chefs-d’œuvre d’un des plus grands artistes-poètes-cinéastes du XXe siècle, Pier Paolo Pasolini, figure inlassablement critique et irrécupérable. Dans la “trilogie de la vie”, Pasolini livrait […]
La sortie en DVD de la « trilogie de la vie » et du Salò de Pasolini redonne sens au concept tant galvaudé d’événement.
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Enfin disponibles partout et pour tous, voilà quelques chefs-d’œuvre d’un des plus grands artistes-poètes-cinéastes du XXe siècle, Pier Paolo Pasolini, figure inlassablement critique et irrécupérable. Dans la « trilogie de la vie », Pasolini livrait sa lecture de grands récits fondateurs italiens (Le Décaméron), anglais (Les Contes de Canterbury) et orientaux (Les Mille et Une Nuits).
Filmées selon son instinct d’autodidacte du cinéma, sans souci de grand style solennel, ces trois collections de courts épisodes se caractérisent avant tout par leur éclatante vitalité, voire leur paillardise, odes vibrantes au désir et au sexe vus comme le sang indispensable de la vie. Pasolini recherchait peut-être dans ces fictions anciennes une authentique présence du peuple avant que celui-ci ne soit snobé par les nouveaux cercles de pouvoir, ignoré par le devenir marchand du monde et par sa production d’images.
De fait, il pratiquait un véritable cinéma populaire, enraciné dans la culture, mais non intimidant, un cinéma dont l’humour, la trivialité et les thèmes universels étaient accessibles à tous. En bonus aux trois films, la bande-annonce de l’époque, et surtout, un entretien avec Ninetto Davoli, l’acteur-l’ami-le frère-le double de Pasolini. Sans oublier deux scènes inédites des Mille et Une Nuits.
Pasolini a souvent parlé de Salò comme de son reniement de la « trilogie ». Il est vrai qu’autant le sexe est joyeux et festif dans les trois films précédents, autant il est ici intimement lié à la torture, à la mort, à des rapports de domination extrêmes, et difficilement supportable. Adapté de Sade, transposé dans la république fasciste de la fin de règne mussolinien, Salò est avant tout une critique ultraviolente du fascisme. Plus largement, c’est une métaphore du pouvoir vu comme une anarchie dangereuse (pour ceux qui ne sont pas du bon côté), induisant une dénonciation de la chosification des corps et de la néantisation de l’autre.
La soumission du monde au capitalisme, le saccage des cultures et des rapports humains, le commerce des corps et des sentiments mettaient Pasolini en rage. Salò est l’expression terminale de cette ire. Cette édition a l’excellente idée de présenter la version française dirigée par Jean-Claude Biette, celle voulue par Pasolini puisque le film vient de Sade et que les dialogues sont émaillés de citations de Blanchot, Barthes et Klossowski.
D’excellents suppléments complètent cette œuvre difficile et indispensable. Des entretiens avec Claire Denis, Catherine Breillat (« Ceux qui n’ont pas vu Salò ne vivent pas, ne connaissent pas la vie et la réalité du monde. »), Bertrand Bonello et Gaspar Noé, permettent d’entrevoir le cheminement du film jusqu’à aujourd’hui. Enfin, un documentaire montre des images rares de Pasolini dirigeant des scènes du film et répondant à des interviews. Un bel antidote à la télé-réalité triomphante.
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