Avec une folie cette fois-ci ancrée dans un monde rationnel, Quentin Dupieux réalise un film étonnant, porté par Jean Dujardin.
“Avant je faisais des films fous ; là, j’ai fait un film sur un fou” : sous cette phrase Quentin Dupieux se cache, mine de rien, l’aveu d’une véritable bifurcation à 180 degrés de son cinéma.
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https://www.youtube.com/watch?v=82lf6byeuXQ
Car Le Daim, deuxième étape d’un retour en France entamé l’an dernier avec Au poste !, marque en effet pour l’absurdophile rapatrié de Californie un changement total de régime : un monde dont l’ADN n’est, en fait, plus du tout irrationnel. On peut certes y être fou soi-même, mais sans la légèreté du régime onirique, donc comme on le serait dans la vie : dans la solitude, et la violence crue.
“Un style de malade”
Derrière un héros bel et bien cinglé, donc (un homme mystérieux, fraîchement détruit, qui s’évade dans les Pyrénées pour y vivre un rêve de prédation barbare et narcissique, armé d’une machette et vêtu d’un manteau en daim), ne défile que le paysage familier du réel : les villages somnolents d’une France profonde, leurs habitants normaux, un hôtel de la vallée.
Ne s’y défont pas tout à fait les habitudes du cinéma mental où Dupieux a fait ses armes durant la décennie écoulée (ici et là le réel glitche, comme lorsqu’une série de suicides frappe les clients de l’hôtel). Mais c’est bien du côté d’une reprise de matière, de corps, que chasse ce huitième film.
Un film à la fois tout petit, étroit, simple, court et bizarrement grand et insaisissable
Pas du tout un cadavre exquis, une prolifération de scènes – quelque chose de l’ordre de l’idée fixe, de la répétition des gestes, de l’écriture obsessionnelle.
Il en ressort quelque chose de singulièrement inexpliqué (pourquoi tuer ? pourquoi le daim ? pourquoi tout ?), de drôle évidemment (Adèle Haenel, délicieuse en Bonnie involontaire), mais aussi comme une force brute : un film à la fois tout petit, étroit, simple, court (1h17) et bizarrement grand et insaisissable.
Le Daim de Quentin Dupieux, avec Jean Dujardin, Adèle Haenel (France, Belgique, 2019, 1h17). Sortie le 19 juin
Quinzaine des réalisateurs, film d’ouverture
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