Mauvaise année pour l’image de marque des critiques. Malgré leur différence d’échelle et de public-cible, il existe, en effet, un point commun entre trois films récents : La Jeune Fille de l’eau de M. Night Shyamalan, Ocean’s 13 de Steven Soderbergh et Ratatouille, la dernière production des Studios Pixar (en salle le 1er août). Et […]
Mauvaise année pour l’image de marque des critiques. Malgré leur différence d’échelle et de public-cible, il existe, en effet, un point commun entre trois films récents : La Jeune Fille de l’eau de M. Night Shyamalan, Ocean’s 13 de Steven Soderbergh et Ratatouille, la dernière production des Studios Pixar (en salle le 1er août). Et ce point commun est la volonté de tourner en dérision le personnage du critique. C’est chez Shyamalan que l’on trouve la satire la plus frontale. Non seulement parce que le critique est ici un spécialiste de cinéma et que son patronyme, Harry Farber, renvoie directement à une figure historique de la critique américaine (Manny Farber). Mais parce que la question de l’interprétation est au centre de La Jeune fille de l’eau. Pour sauver une nymphe, nommée Story, Paul Giamatti est à la recherche de l’herméneute capable de déchiffrer l’énigme de son existence. Hélas, la morgue de Farber le rend inapte à apprécier les renversements inédits de scénario, comme il le découvrira, assez piteusement, au prix de sa vie. Et c’est un simple enfant, amateur de devinettes, qui relèvera victorieusement le défi. Nul doute qu’il y ait, chez Shyamalan, réalisateur retors s’il en est, une sorte d’autoportrait croisé dans cette opposition binaire entre le critique et l’enfant, comme si seul un cinéaste était à même d’allier, en sa personne, l’expertise de l’un et l’enthousiasme de l’autre. Il en retourne également de l’autoportrait masqué dans Ocean’s 13, mais à un niveau plus psychologique que théorique. Visiblement lassé d’avoir à tourner des blockbusters pour renflouer les caisses, Soderbergh se venge, en effet, de son statut de mercenaire sur la tête d’un critique. Chargé d’attribuer ses étoiles au nouveau casino ouvert par Al Pacino, un employé du guide Michelin local subit ici les pires avanies imaginables avant d’être, au final, dédommagé de ses malheurs par un jackpot truqué. La figure du critique devient alors une espèce de surmoi souffrant, l’incarnation risible de la mauvaise conscience d’un créateur travaillant en service commandé pour le business du divertissement. On craint un instant qu’Anton Ego, le terrifiant critique gastronomique de Ratatouille, ne concentre en lui-même le pire de ses prédécesseurs tant il paraît à la fois suffisant et vénal. Mais si le film le caricature d’abord en Nosferatu des fourneaux, il lui offre également une rédemption inattendue : en goûtant un plat composé par Ratatouille, le rat cuisinier, Ego est brusquement débordé par une joie enfantine et n’hésite pas à ruiner sa réputation en proclamant le génie culinaire d’un bête mulot. Qu’il ait fallu attendre un dessin animé pour que la parodie se renverse enfin ne laisse pas d’étonner. C’est sans doute que, depuis toujours, les critiques ressemblent moins à des cinéastes, meneurs d’hommes et chefs de plateau qu’à des ingénieurs binoclards en imagerie de synthèse.
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