Confirmation de l’originalité absolue de l’univers de Biette, un cinéma qui ne nous force jamais la main, ni le regard. Dans la première scène du Complexe de Toulon, on compare doctement les mérites respectifs de différents chefs d’orchestre. Refusant de participer à la conversation, un personnage reste à l’écart. A l’aise nulle part, il cherche […]
Confirmation de l’originalité absolue de l’univers de Biette, un cinéma qui ne nous force jamais la main, ni le regard.
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Dans la première scène du Complexe de Toulon, on compare doctement les mérites respectifs de différents chefs d’orchestre. Refusant de participer à la conversation, un personnage reste à l’écart. A l’aise nulle part, il cherche sa place dans le monde. Le film épousera les tours et les détours de sa quête. D’un entretien avec un employeur potentiel à une annonce de Paris Boum Boum, Chris deviendra acteur de théâtre avant d’embrasser une carrière dans les métiers du vin. Partisan d’un cinéma de personnages, Biette s’attache à capter leurs humeurs. Ici, Jean-Christophe Bouvet dont on ne répétera jamais assez qu’il est un acteur génial est sans arrêt de mauvais poil. Il y a de quoi. Viré de la bibliothèque Stendhal pour d’obscures raisons, sommé de rentrer dans le rang, ses allées et venues comme ses allers-retours Paris-Londres ne sont qu’une façon d’organiser sa résistance personnelle face à un environnement exécré. A la fille qui partage son lit, il précise bien qu’elle n’est que virtuelle, prête à se transformer en garçon ou en femme mûre, selon son bon plaisir. Chris rêve sa vie, mais ses réveils sont parfois difficiles. Pour que l’existence soit supportable, il lui faut constamment inventer des histoires nouvelles, des fictions possibles. Mais ses doutes de créateur le protègent contre l’esprit de sérieux et rendent le film très drôle.
A travers les visions de son personnage, Biette invente un cinéma tout à fait inédit. D’une profonde originalité, il consiste à tourner autour de ses enjeux (la nostalgie d’un âge d’or ou la liberté suprême, celle d’apparaître puis de disparaître sans crier gare) en ne les dévoilant jamais. Habitué à ce qu’on lui souligne tout d’un trait gras, le spectateur est d’abord sous l’emprise d’une perplexité légitime. Puis, très vite, il s’habitue à ce système qui n’en est pas un. Chez Biette, on ne vous force jamais, ni la main ni les yeux. Il ne s’agit pas de séduire à tout prix mais de proposer un regard. Pas de manipulation doucereuse, pas de sens affiché, mais une attention de tous les instants, un respect auquel nous ne sommes plus accoutumés. Laissant à d’autres les généralités et les platitudes, ce cinéma est celui de la nuance, des couleurs et des tons. Que ce soit la musique, la dégustation d’un vin ou le rythme d’une langue étrangère, tout est examiné avec un soin qu’on pourrait qualifier de maniaque s’il n’était pas le reflet de la plus haute exigence, celle de l’artiste. Du coup, Paris ou Londres nous apparaissent comme des villes neuves, jamais vues car jamais regardées comme cela. Biette n’englobe pas, il scrute, avant de dévoiler en douceur. Muni de ses seules séquences, qu’il sait par cœur pour mieux les oublier, il laisse venir à lui les aléas du tournage. En évoluant lentement autour de ses personnages, sans jamais les brusquer, il désigne la place du spectateur qui se retrouve de plain-pied avec eux. Pris à notre tour dans la ronde, nous sommes le seul point d’intersection de leurs parcours croisés. Biette nous a réservé la meilleure place. Il est fortement conseillé de s’y asseoir. Bouder un tel plaisir serait bête. Tout le contraire de Biette.
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