En s’interrogeant sur l’idée de procréation face au danger du nucléaire et à l’urgence climatique, le couple de réalisateurs livre un road-movie mental aussi stimulant que joyeusement bordélique.
Révélée en 1995 par La Croisade d’Anne Buridan, film-essai bouillonnant qui rencontra un micro-culte dans le cercle cinéphile vingtenaire de l’époque, nous n’avions plus de nouvelles de Judith Cahen depuis près d’une décennie. Tout du moins sur grand écran. Car, depuis 2013, la cinéaste s’est associée avec l’artiste japonais Masayasu Eguchi et s’interroge, entre performance et installation vidéo, sur l’hybridité des genres et des matières.
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https://www.youtube.com/watch?v=q_VjhMgUoHc
Tourné de la rencontre du duo jusqu’à 2017, le documentaire Le Cœur du conflit est leur enfant. Un enfant artistique, métissé, fruit de deux histoires et cultures différentes et résultat chimique de leur relation amoureuse et professionnelle.
Le film prend pour point de départ la catastrophe de Fukushima, et plus globalement la menace que font peser le nucléaire et l’urgence climatique, pour la confronter à la question intime de la procréation : “Est-ce que vous semez demain si le monde vient à sa fin ?” Face à cette question dont la profondeur aspire comme un gouffre, Le Cœur du conflit répond par un road-movie mental, en aller-retour, qui, plutôt que d’avancer en ligne droite, la tête baissée et les idées bien en place, favorise la remise en question à la certitude, le tâtonnement à la précipitation.
Entre la dissert khâgneuse et le laboratoire vidéo, le film déborde d’idées, jamais rassasié, jamais loin de la surchauffe. Ça travaille, cogite, revient en arrière, doute, reformule, jusqu’à interrompre le déroulé du film depuis la table de montage (“C’est pas un peu trop, la musique de Mort à Venise ?”), et confirme que le léger et le grave, le cérébral et l’excentricité bordélique s’accordent merveilleusement.
Le Cœur du conflit de Judith Cahen et Masayasu Eguchi (Fr., 2017, 1h19)
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