Ce film de trente minutes tourné en 1961 est signé Carlos Vilardebo, auteur de nombreux documentaires sur l’art contemporain. Fidèle à sa réputation de discrétion, Vilardebo s’efface complètement au profit de son sujet, la captation d’une représentation du fameux cirque de Calder. Le célèbre sculpteur, surtout connu pour ses merveilleux mobiles et stabiles, a élaboré […]
Ce film de trente minutes tourné en 1961 est signé Carlos Vilardebo, auteur de nombreux documentaires sur l’art contemporain. Fidèle à sa réputation de discrétion, Vilardebo s’efface complètement au profit de son sujet, la captation d’une représentation du fameux cirque de Calder. Le célèbre sculpteur, surtout connu pour ses merveilleux mobiles et stabiles, a élaboré dès 1926 un cirque miniature à partir de jouets articulés. Après avoir fait coulisser un rideau d’une quarantaine de centimètres tout au plus, ce colosse jovial et couperosé aux faux airs de W. C. Fields jette de la sciure sur la piste, et un cheval s’élance. A première vue, ça n’a l’air de rien : des bouts de fil de fer, de bouchons, de tissus, des traits de gouache… Mais quelques secondes après, la magie opère. Tout est dans le mouvement. Ça va très vite. Derrière le rideau, madame Calder enchaîne les disques en véritable chef d’orchestre. Accroupi, Alexander réalise des miracles de ses gros doigts boudinés. Une écuyère haute comme une pomme ensorcelle son public avec une sensuelle danse du ventre. Un lion lâche trois marrons en guise de crottes sous les éclats de rire. On retient son souffle lors du périlleux numéro de trapèze réglé au millimètre près. Impossible de ne pas évoquer le cliché de l’enfant qui est en nous. Quand s’est-on émerveillé avec autant de conviction pour la dernière fois ? On comprend mieux qu’à l’époque les représentations de ce cirque aient connu un tel succès. Parmi les spectateurs les plus assidus alors : Varèse, Painlevé, Cocteau, Mondrian, Man Ray, Léger… Calder a élaboré ces figurines articulées à partir de dessins croqués sur le vif lors de représentations du cirque des frères Fratellini. Il leur donne vie avec une ingéniosité méticuleuse, un humour communicatif et une dextérité inimaginable. Mais seulement le temps de la représentation. C’est un art éphémère, impossible à conserver dans un musée. D’où l’intérêt du travail d’enregistrement de Vilardebo : seul le cinéma peut rendre justice au génie de Calder. Ce cirque n’est pas un aspect mineur de son œuvre. Il fondait là un nouvel ordre sculptural alliant bricolage, équilibre et mouvement. Et extrême élégance, à travers un spectacle accessible à tous. Une féerie à laquelle Prévert avait su rendre grâce : « Oiseleur du fer, Horloger du vent, Dresseur de fauves noirs, Ingénieur hilare, Architecte inquiétant, Sculpteur du temps, Tel est Calder.«
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}