Trente-six ans après la fermeture de la dernière salle de cinéma d’Arabie Saoudite, le 7e art fait un retour attendu mais timide dans le pays du roi Salman.
Depuis un virage fondamentaliste dans les années 80, la vie saoudienne souffre, entre autres, d’une absence d’activités culturelles désignées comme corruptrices par les ultra-conservateurs. On a pu néanmoins assister, au cours des derniers mois, à plusieurs réformes visant à moderniser la législation du pays (la fin de l’interdiction de conduire pour les femmes par exemple).
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Deux nanars d’animation pour un retour pas vraiment en grâce du cinéma
Dans cette lignée s’inscrit la réouverture de salles de cinéma plus de 35 ans après la fermeture de l’ultime bastion du 7e art en Arabie Saoudite. Divertissement accusé d’inviter au rapprochement entre les hommes et les femmes, voire vecteur de diffusion des idées occidentales, le cinéma a pourtant (re)fait son apparition au centre culturel de Djeddah samedi 13 janvier. Un geste encourageant hélas bien vite découragé par le choix d’une programmation infantile et pas franchement ovationnée par la critique jusqu’ici puisque les Saoudiens n’ont pu voir que Le Monde des Emojis et Capitaine Superslip.
Si l’on ne doute pas de la joie des plus jeunes, force est de constater que les autorités préfèrent maintenir la population dans un état d’hébétude face à ces films aux scénarios d’une grande pauvreté (l’un se déroule littéralement dans un smartphone avec un emoji malheureux d’avoir plusieurs expressions faciales, l’autre parle d’un prof qui met un slip sur son pantalon). Un choix évidemment moins menaçant que de proposer des productions orientales ou arabes dont beaucoup sont plus susceptibles d’éveiller une conscience critique et politique.
Quant à la possibilité de voir un jour La Vie d’Adèle dans un cinéma à Riyad, elle semble pour l’instant compromise puisque l’Autorité Général du Divertissement a fait savoir que « les films [seront] soumis à un comité de censure qui veillera à ce que leur contenu respecte les valeurs et ne contrevienne pas aux lois en vigueur », tout en affirmant que la population aura accès à 99% des productions vues en Occident.
Vers des lendemains heureux ?
Malgré ce démarrage timide, les Saoudiens semblent réjouis de retrouver, et de découvrir pour les plus jeunes, le grand écran. Un spectateur d’une trentaine d’années n’a pas caché son engouement à l’agence de presse Reuters : « Je veux tout voir parce que c’est quelque chose de nouveau pour l’Arabie Saoudite. J’espère que tout sera disponible : les films d’action, les comédies romantiques, les films pour enfants, les comédies. Tout ». L’accès aux séances à travers le pays devrait d’ailleurs se faciliter puisque le gouvernement saoudien prévoit la création d’environ 300 salles pour 2000 écrans dans l’horizon 2030, espérant générer, avec cette nouvelle économie, 24 milliards de dollars et créer 30 000 emplois permanents.
Souhaitons aussi qu’il s’agisse là d’un premier pas vers l’émergence d’un véritable cinéma saoudien dont les productions annuelles se comptent pour l’instant sur les doigts d’une main. A titre d’exemple, seul un long métrage officiel a été co-produit (avec l’Allemagne) par l’Arabie Saoudite, Wadjda de la réalisatrice Haifaa al-Mansour sélectionné aux Oscars 2014 dans la catégorie « meilleur film en langue étrangère ». Il raconte l’histoire d’une petite fille décidée à gagner un concours de récitations coraniques pour s’acheter une bicyclette, avec l’argent du premier prix, malgré l’interdiction pour les femmes de faire du vélo. Trente cinq ans de carence cinématographique n’auront pas suffit à éteindre la petite flamme de l’insurrection artistique, quelques mauvais films d’animation n’y parviendront pas non plus.
https://www.youtube.com/watch?v=1YpNAKCIWt8
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