Un bon film de guerre sur Sarajevo malheureusement nettement moins percutant quand il se veut film symboliste. Le Cercle parfait démarre assez abruptement sur une scène de guerre, photographiquement impressionnante (herbe sombre, ciel fuligineux), où des hommes en armes investissent un village et exécutent ses habitants. Deux enfants, frères, dont l’un sourd-muet et qui par […]
Un bon film de guerre sur Sarajevo malheureusement nettement moins percutant quand il se veut film symboliste.
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Le Cercle parfait démarre assez abruptement sur une scène de guerre, photographiquement impressionnante (herbe sombre, ciel fuligineux), où des hommes en armes investissent un village et exécutent ses habitants. Deux enfants, frères, dont l’un sourd-muet et qui par conséquent ne se rend pas compte de l’attaque, échappent au massacre et courent dans la campagne. Dorénavant orphelins, ils se dirigent vers Sarajevo. L’idée que, dans une guerre où l’ennemi est le plus souvent invisible, le sourd est particulièrement vulnérable est une idée forte et troublante qui est reprise tout au long du film. Notamment dans une scène effrayante où les deux frères pêchant dans la rivière se font soudainement canarder par des snipers : l’aîné et un adulte se cachent immédiatement puis hurlent à l’adresse de l’enfant qui reste au milieu de la rivière comme si de rien n’était. Les balles étant imperceptibles dans leurs trajectoires, le sourd doit reconnaître l’imminence du danger à d’autres signes : des impacts, événements visuels infiniment brefs, ou plus sûrement encore, des corps qui tombent à ses côtés. Pour le sourd, la mort apparaît plus terrifiante encore puisque sans causes assignables, comme un phénomène de génération spontanée, ou plutôt de disparition spontanée. L’introduction d’un tel personnage est une idée de cinéma remarquable et à ce titre, Le Cercle parfait est un bon film de guerre. Le problème est qu’il n’est pas que cela mais aussi un mélodrame sur l’enfance, un film symboliste, une plainte sur la condition de l’intellectuel abandonné de sa famille, autant de terrains sur lesquels Kenovic se montre beaucoup moins concis et percutant.
Arrivés à Sarajevo, les enfants sont recueillis par un poète esseulé et dépressif, en proie à des hallucinations. Cet homme sait dessiner à main levée un cercle parfait, aptitude quasi magique pour les enfants que cette figure apaise et qu’ils essaient de réaliser, fascinés qu’ils sont par la perfection et l’harmonie de cette figure géométrique qui s’oppose au chaotique et au désespéré de leur situation. Aussi, fondamentalement, Le Cercle parfait est-il un film émouvant et nous sommes surpris de l’aimer alors que le dégoût des films lacrymogènes nous anime généralement (on pense à L’Incompris de Comencini). Mais, précisément, il nous émeut davantage par les situations que par leur traitement ou leur résolution. Cinéaste mineur peut-être, Kenovic nous plaît cependant par sa manière d’être simultanément pathétique (on regrettera néanmoins l’intrusion du chien paralytique) et confiant dans une efficacité narrative qui lui interdit des dérives lyriques, tranchant ainsi avec le génie tapageur et antipathique d’un Kusturica. Demeurent malheureusement ces pénibles scènes onirico-dépressives où le poète erre dans les rues et se voit pendu, scènes qui à Cannes en ont découragé plus d’un, les faisant quitter la salle avant le très beau et terrifiant final.
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