On te connaissait comédien, mais tu viens de réaliser ton premier court métrage, intitulé Le Plafond : désormais, tu comptes cumuler ? Oui, les artistes que j’admire le plus ne sont pas seulement acteurs ou réalisateurs, ils alternent les deux : Buster Keaton par exemple, mais aussi les frères Coen, Clint Eastwood, Pacino… Keaton ne […]
On te connaissait comédien, mais tu viens de réaliser ton premier court métrage, intitulé Le Plafond : désormais, tu comptes cumuler ?
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Oui, les artistes que j’admire le plus ne sont pas seulement acteurs ou réalisateurs, ils alternent les deux : Buster Keaton par exemple, mais aussi les frères Coen, Clint Eastwood, Pacino… Keaton ne réalisait pas forcément les films dans lesquels il jouait, mais en tout cas il les produisait. Ce personnage récurrent, c’était sa marque. Il y avait des trouvailles burlesques comme la façade qui tombe et lui qui passe juste à travers la fenêtre. Faire un plan serré ou découper ce truc-là, ce n’est pas pareil. Le gag marche et nous fait bondir parce que c’est un plan large, et un seul plan. Et puis son côté un petit peu plus loser que Chaplin me touche énormément.
Tu te souviens du moment où tu l’as découvert ?
J’étais tout petit. Ce sont mes parents qui m’ont montré des Chaplin, des Keaton, des Harold Lloyd… Ma mère était très soucieuse de me montrer ça plutôt que des Disney. Les gamins adorent ça, surtout Keaton parce que c’est très visuel. C’est très enfantin : il n’y a pas de second degré, pas de cynisme, c’est direct. C’est beau et simple : il y a Buster, il y a la fille. Et entre-temps, il y a 120 000 poteaux dans la gueule, 200 trébuchages. C’est limpide et, en même temps, ce n’est pas tarte. Moi, ça m’émeut vraiment. C’est ce qu’il y a de plus dur à faire en art : le truc simple, touchant et stylé. C’est l’essence de l’art pour moi.
Tes parents t’ont montré beaucoup de films ?
Oui, au cinéma, en cassette, et puis en 16. On avait un projecteur 16 à la maison et on se passait des trucs. Certains sont encore mes films préférés, que je vois depuis que je suis tout petit comme Pickpocket de Bresson : les gros plans sur les mains, le côté très sensuel et spectaculaire du tour de magie. Après avoir vu le film, je faisais les poches de tout le monde quand j’étais gamin. C’était moins pour voler que par goût de la dextérité. Il y a aussi Rio Bravo qui, à 10 ans déjà, était mon film préféré. C’est un western classique : l’unité de lieu, le méchant, le shérif, la fille qui passe, etc. Et puis, il y a les films de mon père : il était très content de me les montrer. J’ai ainsi vu en 16 Les Demoiselles de Rochefort ou La Baie des anges des centaines de fois depuis mon enfance.
Quels sont les premiers disques que tu as achetés ?
Des trucs punks : les Béruriers Noirs, OTH, les Vampires… J’étais dans un trip « anarchie » !
Et aujourd’hui, tu écoutes quoi ?
J’ai plutôt des cycles longs. En ce moment, j’essaie d’approfondir un peu le funk de base : Curtis Mayfield, Isaac Hayes, George Clinton.
Je ne connais pas très bien tous ces trucs qui sont samplés sans cesse par le rap.
Du rap, tu en écoutes ?
Pas beaucoup. J’ai un peu du mal. J’aime mieux le rap des années 90 comme Ice-T ou Ice Cube que ce qui se passe maintenant. Je trouve beaucoup plus intéressante la démarche de Wyclef Jean qui a une vraie sensibilité et qui n’a pas le côté trop beauf des rappeurs. Parce que OK, leur énergie est géniale, mais quand on commence à écouter les paroles, qu’est-ce qu’ils sont cons quand même, c’est dingue ! On ne s’en rend pas immédiatement compte, mais l’autre jour, j’étais à une soirée, et je voyais tous ces gens qui dansaient sur des paroles atroces. Si on réfléchit, c’est vraiment à pleurer. Or Wyclef, il fait des chansons d’amour. Le rap, c’est un genre hyper masculin, limite macho, et lui, il réussit à insuffler là-dedans des sentiments. Tout en étant super bien produit : ça détonne, ça pète, ça danse. Musicalement, c’est vraiment bien. Mais il y a quelque chose en plus. Sinon, du côté pur rap, je trouve plus rigolotes les sources comme Ice-T, où c’était vraiment une insulte par mot. Que des « fucks » et des « motherfuckers » et des « Ice motherfucking-T ». C’était tellement énorme que ça en devenait drôle : il y avait un vrai truc de rébellion. Maintenant, c’est juste devenu un genre. Et un genre nouveau riche et beauf en plus.
Tes parents te faisaient-ils lire ?
Ma mère m’a fait lire du Prévert. Si j’aime toujours adulte des choses que j’aimais enfant, c’est un critère de qualité. C’était le cas pour Keaton : c’est aussi le cas pour Prévert. Si j’en relis aujourd’hui, je trouve ça génial. Pareil pour Queneau. Ensuite, adolescent, ce qui m’a marqué, ce sont les pièces de Beckett ou Ionesco : j’ai adoré Godot, Rhinocéros… Puis, j’ai eu un prof de français vraiment super qui nous a fait lire beaucoup de livres un peu initiatiques : Orwell, 1984. Des écrivains qui ont un regard critique sur le monde. Il y a un côté prospectif. En revanche, la pure fiction littéraire, ce n’est pas un truc dont je me sens très proche.
Pourtant, pour ton premier court métrage, Le Plafond, tu as adapté une nouvelle de Tonino Benacquista ?
Je suis tombé dessus par hasard. Pour moi, la fiction, c’est plus le cinéma que la littérature. Je m’y mets avec le temps, mais ce n’est pas évident pour moi. Pour revenir à Benacquista, j’ai été touché par les personnages : des losers éminemment sympathiques et drôles qui ont beaucoup d’humour sur eux-mêmes et qui ne peuvent pas s’empêcher d’attirer les emmerdes. J’adore ce ton d’humour noir et d’autodérision.
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Mathieu Demy sera dès la semaine prochaine à l’affiche de Quand on sera grand de Renaud Cohen. On peut encore le voir dans Folle de Rachid de Philippe Barassat. Enfin, il présente actuellement son premier court métrage, Le Plafond, d’après Tonino Benacquista, avec André Wilms, dans de nombreux festivals.
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