Petite fille, je voulais être fleuriste. Enfin, plutôt vendeuse de fleurs puisque je ne voulais pas avoir la charge du magasin. Bref, je n’étais pas très ambitieuse. Et pendant longtemps, je n’ai pas eu de but, et je trouvais ça très angoissant. J’ai tourné mon premier court métrage, Les Sirènes de Pascal Bonitzer, dès l’âge […]
Petite fille, je voulais être fleuriste. Enfin, plutôt vendeuse de fleurs puisque je ne voulais pas avoir la charge du magasin. Bref, je n’étais pas très ambitieuse. Et pendant longtemps, je n’ai pas eu de but, et je trouvais ça très angoissant. J’ai tourné mon premier court métrage, Les Sirènes de Pascal Bonitzer, dès l’âge de 18 ans, mais j’ai mis beaucoup de temps à assumer mon désir de devenir comédienne. J’ai donc fini par faire des études d’anglais, ce qui n’est pas très glorieux pour moi puisque je parle anglais couramment depuis l’enfance, ayant vécu longtemps aux Etats-Unis.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Et aujourd’hui, vous traduisez pour la deuxième fois Dorothy Parker.
Oui, mais c’est la dernière fois. Jusqu’au film Aïe dans lequel ma s’ur Sophie m’a donné le rôle principal, je n’étais pas occupée à plein temps en tant qu’actrice, donc j’ai pensé à proposer mes services pour des traductions à des éditeurs. Christian Bourgois m’a offert de traduire les nouvelles inédites de Dorothy Parker, parues sous le titre Mauvaise Journée demain. C’est un beau cadeau, mais ça m’angoissait un peu parce que je n’étais pas du tout une spécialiste.
Vous ne l’aviez pas lue avant ?
Si, mais sans plus. Et puis surtout, quand on commence à y réfléchir, traduire un auteur, c’est presque impossible, limite absurde. Bon, en l’occurrence, ce qui m’a soulagée, c’est que Dorothy Parker est cassante, drôle, moderne, dans un truc d’auto-mise en scène qui m’a parlé immédiatement. Et puis, ce n’est pas Edith Warton ou Jane Austen, des femmes qui avaient un tel style que je n’aurais jamais eu l’audace de les traduire. Parker, ce n’est pas Proust. C’est d’abord un esprit, un personnage, avant d’être un style. Donc si on aime bien le personnage, on trouve plus facilement le moyen de lui rendre la pareille. Non, ce qui est drôle, c’est qu’à l’agrégation par exemple, que j’ai ratée royalement, en thème-version, j’ai eu zéro. J’étais nulle en traduction !
Et à l’arrivée, vous êtes contente du résultat ?
Oui. Et j’étais ravie que Frédéric Beigbeder écrive dans Voici que je suis une bonne actrice et une bonne traductrice. Mais j’ai envie d’arrêter la traduction pour pouvoir devenir ce qui m’intéresse vraiment : une grande comédienne.
Revenons aux livres : vous citiez Edith Warton…
Oui, Ethan Frome est l’un de mes livres préférés. Je l’offre souvent. C’est l’histoire d’un amour impossible. Mon thème favori entre tous, aussi bien en littérature qu’au cinéma. Ethan Frome est un personnage masculin malade d’amour, et on souffre vraiment avec lui en lisant le bouquin. J’ai remarqué que dans les histoires d’amour, j’étais plus curieuse du point de vue des mecs que de celui des filles.
Et au cinéma aussi, c’est le thème de l’histoire d’amour contrarié qui vous attire ?
Absolument. D’ailleurs, mon film préféré est La Sirène du Mississippi de Truffaut. Et comme dans Ethan Frome, on retrouve cette figure du type transi d’amour pour une fille. Je suis bouleversée par la souffrance de Belmondo. Et le personnage de Deneuve ne sait pas du tout comment se faire aimer. Elle est barricadée, elle ne sait pas faire confiance et passe donc son temps à fuir et à mentir. J’en profite pour dire que j’adore Catherine Deneuve. Dans le même registre de l’amour contrarié, j’aime beaucoup Notorious (Les Enchaînés) d’Hitchcock. Ce quiproquo qui va les empêcher de sortir ensemble, c’est d’une cruauté… Ou encore Indiscret de Stanley Donen avec Ingrid Bergman et Cary Grant, magnifique étude d’un amour retardé. Sur le même thème, j’aime aussi des films plus surprenants, comme Abyss de James Cameron, dans lequel il y a une sublime histoire d’amour. C’est même une comédie de remariage au sens où on le dit pour les films d’Hawks ou The Philadelphia Story de Cukor : un couple sur le point de divorcer qui se retrouve dans une capsule sous la mer. Or, il est obligé de la noyer pour la faire passer en apnée sous l’eau, autrement dit de la faire mourir pour la faire ressusciter. Et à la fin, lui aussi va devoir mourir, au sens abstrait du terme, pour sauver la capsule, et évidemment leur amour. Bon, c’est un peu en filigrane, mais c’est vraiment là, et très fort.
On n’a encore pas parlé de musique…
Le premier 45t que j’ai acheté, c’est Les Brunes comptent pas pour des prunes de Lio. Et l’album que j’écoute en boucle en ce moment, c’est celui de Jill Scott. En particulier le titre He loves me, qui est une déclaration d’amour d’une fille à un homme, où elle fait la liste de toutes les façons particulières qu’il a, lui, de l’aimer, elle : « He schools me, he co-writes me… » Je trouve ça vraiment sublime. Sinon, j’écoute des trucs hyper variété et là, c’est vraiment la honte, genre Francis Cabrel et Stephan Eicher. Ce n’est pas forcément évident pour mon entourage, mais moi, j’adore.
*
Hélène Fillières vient de traduire Articles et Critiques de Dorothy Parker (Christian Bourgois) et termine le tournage de Reines d’un jour de Marion Vernoux. Elle s’apprête à tourner coup sur coup deux premiers longs métrages : Le Requin de Julie Lopes-Curval et Faites quelque chose pour elles de Pascale Pouzadoux aux côtés de Julie Depardieu.
{"type":"Banniere-Basse"}