Quelle éducation artistique tes parents t’ont-ils donnée ? Mon père m’a plutôt branchée sur l’opéra. Quand j’étais petite, on habitait dans un appartement au-dessus de chez la Callas ! C’était un de ces appartements très bourgeois avec un conduit de cheminée énorme, et quand elle faisait ses vocalises, le son montait jusque chez nous. C’était […]
Quelle éducation artistique tes parents t’ont-ils donnée ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mon père m’a plutôt branchée sur l’opéra. Quand j’étais petite, on habitait dans un appartement au-dessus de chez la Callas ! C’était un de ces appartements très bourgeois avec un conduit de cheminée énorme, et quand elle faisait ses vocalises, le son montait jusque chez nous. C’était assez extraordinaire. Ma mère, elle, m’a plutôt fait découvrir des trucs comme les Stones, le Velvet Underground. Elle avait, par exemple, l’album Sticky fingers avec le zip que j’ai prêté et n’ai bien sûr jamais revu, sans me rendre compte que c’était un truc de collection. Et puis, elle m’a fait découvrir le cinéma : le vendredi et le dimanche soir, il y avait le ciné-club à la télé. Ces soirs-là, on avait le droit de se coucher plus tard pour regarder. Et là, un des premiers chocs qui m’ont donné envie de faire du cinéma, c’est les films de monstres genre Frankenstein ou Dracula.
Pourquoi les films de monstres ?
Ces films qu’on a l’habitude d’appeler des films d’horreur, petite fille, je trouvais que c’était plutôt des films sentimentaux. J’ai beaucoup pleuré en voyant Frankenstein. Pareil pour King Kong : je ne voulais pas que ce singe meure. J’étais touchée par leur différence, par le fait qu’ils ne soient pas acceptés. C’est peut-être ça, l’enfance : se sentir soi-même tellement différent qu’on est touché par la différence des monstres. Evidemment, ça faisait un peu peur, mais on aime bien se faire peur quand on est petit. Ma mère m’a quand même envoyé un jour chez un psy parce que je passais mon temps à dessiner des monstres !
Tu voyais tous ces films à la télé ?
Un jour, ma mère a fini par m’emmener au cinéma. Et le premier film que j’ai vu en salles, c’est Le Bal des vampires ! On est encore dans le thème de l’épouvante. J’ai adoré. Et puis, elle m’a fait partager ses goûts de spectatrice : Capra, Preminger… En cinéma, mon père m’a fait découvrir les Chaplin et les Laurel et Hardy qu’il imitait d’ailleurs très bien.
Tes cinéastes préférés ?
En France, c’est Truffaut. Je suis sensible à l’atmosphère mélancolique de ses films, à son romanesque, à sa façon unique de filmer les acteurs. En Italie, Fellini, si moderne. Et pour le reste, Welles, Cukor, Preminger. J’ai toujours adoré les couples genre Cary Grant/Ingrid Bergman ou Spencer Tracy/Katherine Hepburn.
Quel est le premier disque que tu as acheté ?
Quand j’avais 7 ans, mon frère de 16 ans était à fond dans les Stones. Et donc, j’ai dû acheter celui où il y a Miss Sue, avec toutes les têtes de filles dessus. Et après, il y a eu Prince ! C’est ma cousine qui était dans une école très catho qui m’a prêté Purple rain sous le manteau, genre « C’est génial mais tellement sulfureux » !
Chez toi, tu écoutes plutôt quoi ?
Chaque mois a son disque que j’écoute jusqu’à l’usure. Mais finalement, je reviens toujours aux mêmes : ça va de Billie Holiday ou Sinatra à Springsteen, les Stones, Nick Drake, etc. J’ai un ami fou de musique qui m’a fait découvrir les Latin Playboys, R.L. Burnside. En revanche, je n’écoute pas du tout de musique électronique.
Et tes goûts en littérature ?
Petite, j’ai été très marquée par Roald Dahl. Adolescente, j’ai plongé dans Nabokov, Dostoïevski, Kafka, Duras, Edith Wharton, Sylvia Plath… Je suis fascinée par les thèmes de la solitude, du rejet. Je connais moins la littérature contemporaine. A une époque, j’ai adoré Philip Roth, en particulier Ma vie d’homme, mais aussi John Fante ou Bret Easton Ellis. Mais je ne sais pas si ça me ferait le même effet aujourd’hui.
Es-tu sensible à la peinture, la sculpture ?
Particulièrement à la sculpture, pour la bonne raison que le père de mon fils est sculpteur. Il m’a fait découvrir Mario Merz : c’est de la sculpture avec beaucoup d’installations. On a vu par exemple ses igloos à Beaubourg. Ça m’a ouvert à l’arte povera : des gens comme Calzolari. Ça, ça me plaît beaucoup. Mais l’art contemporain, le problème, c’est que quand tu flashes sur un tableau, tu as envie de l’acheter, et la plupart du temps, c’est inaccessible. Alors que quand tu vois un grand tableau au Louvre, tu ne te poses même pas la question. Savoir qu’il y a des gens qui ont une toile d’Erró chez eux, ça fait envie, non ? Erró, c’est très bande dessinée : il a fait par exemple une toile énorme avec des parachutistes qui tombent du ciel, et il y a une mer de poissons, tu ne vois pas l’eau. Ça fait peur : il reprend aussi les monstres des Marvel comics. En peinture, j’ai flashé sur Bosch quand j’étais petite. Encore un truc assez flippant, décidément ! Ça me rappelait l’univers de la nuit quand on dort : les rêves, les cauchemars. Peut-être que ça me rassurait de voir que mes peurs étaient partagées par d’autres, et qu’en plus, ils étaient capables de les exorciser en en faisant des peintures.
*
Chiara Mastroianni présentait au dernier Festival de Cannes La Parole di mio padre de Francesca Comencini. Depuis, elle a tourné Hotel de Mike Figgis et vient d’entamer le tournage de Carnages de Delphine Gleize. Par ailleurs, elle a enregistré un duo avec Doc Gynéco : Trop jeune. Enfin, on peut voir de passionnants portraits d’elle (et de sa mère) pris par Terry Richardson dans la dernière édition du magazine Purple.
{"type":"Banniere-Basse"}