Quels sont les premiers disques que tu as achetés ? Le premier, je n’en suis pas vraiment fière : ça doit être un Phil Collins ! Mais le deuxième, c’est déjà beaucoup mieux puisque c’est Violator de Depeche Mode. Et avant ça, le premier disque dont je me souvienne, c’est Strawberry fields forever qu’écoutaient mes […]
Quels sont les premiers disques que tu as achetés ?
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Le premier, je n’en suis pas vraiment fière : ça doit être un Phil Collins ! Mais le deuxième, c’est déjà beaucoup mieux puisque c’est Violator de Depeche Mode. Et avant ça, le premier disque dont je me souvienne, c’est Strawberry fields forever qu’écoutaient mes parents. Culturellement, c’est le seul héritage que je revendique d’eux. J’avais 5 ans et j’écoutais frénétiquement cette chanson des Beatles. Dans le genre obsessionnel, il y avait aussi Le Lac des cygnes de Tchaïkovski et les chansons de Richard Gotainer. Bon, après j’ai grandi, et à partir de 15 ans, ça s’est affiné : là, j’ai bien bloqué sur Jimi Hendrix et Prince.
Pourquoi Hendrix et pourquoi Prince ?
Jimi Hendrix, la première fois que je l’ai entendu, je ne comprenais rien : je ne captais que du bruit, j’étais désorientée par l’absence de mélodie, etc. Et puis, beaucoup plus tard, on me l’a fait réécouter, et là, j’ai compris. Hendrix, c’est la sauvagerie et en même temps la maîtrise absolue. C’est l’intensité et la virtuosité. Sans compter qu’il est beau comme un dieu et que c’est une bête de scène. Quant à Prince, c’est l’énergie, l’originalité, la poésie, la liberté totale.
Tu ne mets rien au-dessus ?
Aujourd’hui, si. Le sommet, pour moi, c’est Curtis Mayfield. D’abord pour la musique, mais en plus il parle des vrais trucs. C’est un alchimiste : il transforme l’angoisse en bonheur, en art. Et plus généralement, j’adore toute la vieille soul, si samplée aujourd’hui, de Marvin Gaye à Isaac Hayes. Et puis j’adore la musique cajun : New Orléans, années 40, les fanfares, les grosses Blacks qui transpirent en se lâchant sur la musique.
Et tu écoutes du rap, non ?
Oui, j’ai eu une grande période de révolte où les paroles des rappeurs trouvaient une résonance en moi.
Y compris le discours sur les femmes ?
Ça me plaît que Missy Elliott hurle « I’m a fucking bitch. »
Oui, mais ce n’est pas la même chose si c’est un homme qui le dit…
Je pense qu’il ne faut pas prendre ces textes au pied de la lettre. Les rappeurs vivent dans une culture où la violence des mots s’est en quelque sorte banalisée. Quand ils disent « nègre », « salope » ou « pédé », ça n’a pas le même sens que quand c’est dit par quelqu’un d’autre, c’est presque vidé de son sens. Evidemment, quand on vient de l’extérieur, et qu’on n’est pas habitué à cette utilisation presque détournée des mots, on peut être choqué. Mais il ne faut pas s’arrêter à ça : la violence de leurs mots ne correspond pas à leurs vraies émotions. Je suis une grande fan d’Ol’ Dirty Bastard et, pour moi, c’est évident qu’il ne dit rien de vraiment négatif sur les femmes.
Au cinéma, quels sont tes grands chocs ?
D’abord, les films de Cassavetes : Une femme sous influence, Opening night, Shadows… Des films énormes. Et puis j’ai eu une époque Abel Ferrara, où ce qu’il racontait me touchait profondément. Et d’ailleurs, travailler avec Catherine Breillat sur Romance a en quelque sorte éclusé ça.
Quel parallèle fais-tu entre Breillat et Ferrara ?
Ils filment tous les deux la perdition, la décadence, l’abandon, la tentation de l’extrême, l’un à travers la drogue et l’autre à travers le sexe. Mon personnage dans Romance me faisait complètement penser à celui d’Harvey Keitel dans Bad Lieutenant. Encore une fois, j’étais très enragée à l’adolescence, et j’ai compris peu à peu que le cinéma me permettait de canaliser cette rage, de la transformer en énergie positive. Et un cinéaste comme Ferrara ou même Cassavetes à sa façon m’aident à y croire.
Quels sont tes livres de chevet ?
A 13 ans, j’ai bloqué sur Les Misérables, et derrière, je me suis envoyé tous les Rougon-Macquart. A l’époque, j’avais un rapport vraiment très gourmand à la lecture. Ça s’est un peu gâté quand j’ai fait khâgne, puisque là, lire devient un devoir. Aujourd’hui seulement, je commence à retrouver du plaisir à la lecture. Mon livre de chevet, c’est Les Correspondances de Rimbaud. Quand tu lis Rimbaud, tous tes sens sont en alerte : tu sens des odeurs, il excite tes papilles. C’est très puissant. Sinon, plus récemment, j’ai lu Le Dahlia noir de James Ellroy et ça m’a bien accroché. J’ai adoré ce côté journalistique, historique : heure par heure, minute par minute, dossier par dossier. D’un coup, on rentre vraiment dans la chair de l’histoire, c’est très fort. Je me mets aussi à la science-fiction : j’adore Philip K. Dick qui a écrit Blade runner : d’ailleurs, j’ai aussi beaucoup aimé le film. Il faut dire que partir dans l’espace était mon rêve de môme. Et là, je suis en train de lire Le Loup des steppes d’Hermann Hesse. C’est de la philosophie à l’allemande avec beaucoup d’images, des constructions improbables. C’est le combat entre la soif d’absolu, une vie à la Rimbaud, et des plaisirs plus terre à terre : un verre de vin, une jolie fille, etc. Enfin, pour être tout à fait complète, je dois avouer que j’adore lire Voici : leur ton ironique me plaît vraiment.
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Caroline Ducey sera la semaine prochaine à l’affiche de Carrément à l’ouest de Jacques Doillon et en concert avec Particules le 15 mai à l’Opus (Paris xe).
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