Brillamment dialogué mais platement filmé, un film noir revival à l’esprit salace réjouissant. Wendy (Linda Fiorentino) entraîne son mari sur un coup qui leur rapporte une valise pleine de dollars. Wendy est rancunière et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Parce que son jules lui colle une baffe à la suite d’une petite […]
Brillamment dialogué mais platement filmé, un film noir revival à l’esprit salace réjouissant.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Wendy (Linda Fiorentino) entraîne son mari sur un coup qui leur rapporte une valise pleine de dollars. Wendy est rancunière et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Parce que son jules lui colle une baffe à la suite d’une petite saute d’humeur, elle se barre avec la valise et quitte New York, direction Pétaouchnoque c’est-à-dire Beston, trou-du-cul de la Pennsylvanie. Là, elle mène en bateau un jeune cowboy du bled, sexy et con, la bouche toujours ouverte, prêt à gober quelques mouches. Wendy est plus dure qu’un oeuf dur (hard boiled), elle utilise les mecs comme des objets, par pure corvée hygiénique et non parce qu’ils ont une paire de noix entre les cuisses. Le mari à ses trousses parviendra-t-il à la ramener sur le chemin du bonheur conjugal ? Pas la peine d’aller plus loin pour deviner le terrain archibalisé sur lequel John Dahl a posé son baluchon : le roman noir des années 40 et le cinéma du même tonneau, quelque part entre James Cain et Billy Wilder.
Dès lors, la seule question est de savoir si Dahl renouvelle le genre en le faisant parler de notre époque. On dira, globalement, non ; dans le détail, oui. Si John Dahl était les frères Coen à lui tout seul, ça se saurait. Là où le génial Miller’s crossing abordait le film noir comme une réminiscence, un rêve éveillé, un songe trouble après une gueule de bois, un espace mental, Last seduction donne plutôt dans le revival, filmé à la truelle comme une publicité Michelob. Dénués de tout mystère et privés de liberté, les personnages sont figés dans leur archétype, sans la moindre chance de s’en échapper : la superbitch est salope de bout en bout, le plouc affiche « crétin » en permanence, etc. Quant au cynisme des comédies noires des années 40, rien n’indique qu’il soit le sentiment idoine pour nos riantes années 90. Que reste-t-il ? Un des meilleurs dialogues depuis les films noirs de Billy Wilder, joute verbale intraduisible et d’ailleurs mal traduite. Un esprit sale, trashy, dirty, auquel ne nous a pas habitués le cinéma américain, qui rime souvent avec puritain un film propre à choquer les forces pudibondes pullulant en Amérique ne peut pas être complètement mauvais. Une observation fine des petits détails qui tissent l’univers quotidien de l’Amérique bien profonde, celle que voient rarement les touristes français. La beauté maladive et la voix grave de Linda Fiorentino, dans le sillage sexy et intimidant de Lauren Bacall et Kathleen Turner. Tout cela ne fait pas un film qui bouleversera les consciences cinéphiles, mais un petit plaisir pas négligeable qui ressemble aux coups que tire Wendy : excellent pendant, sans conséquence et vite oublié après.
{"type":"Banniere-Basse"}